C’est en l’an de grâce 1963 du siècle dernier que je vînt au monde. 1963 … même pas 20 ans après la deuxième guerre mondiale. Je n’en ai jamais eu conscience, cela me semblait une éternité, et pourtant, lorsque je regarde ma vie, vingt ans en arrière c’était hier.
Je fais donc partie d’une génération, qui a vécu avec la résistance française comme modèle, et la peur au ventre que ça recommence.
J’ai vécu avec les progrès de la technologie, et avec la conquête de l’espace. Je me souviens de Rémi et Colette. J’ai fêté à l’école communale la fin du guerre du Vietnam, j’ai pleuré sur les enfants du Biafra, pendant que ma soeur pleurait dans sa blouse de vichy rose, dans cette maternelle où elle était si mal. Je me souviens de mai 1968 parce que mon père était à la maison et que ce n’était pas des vacances. Je me souviens quand le mercredi était un jeudi.
Je me souviens de mon premier chat, mademoiselle Zouzou, grise comme l’héroïne des marionnettes d’animation de l’Ortf. Je me souviens du western du dimanche soir, je me souviens que le film sur l’unique chaîne de TV était à 20h00. Je me souviens …
Je me souviens des premières ventes par correspondance où les amies de ma grand mère commandaient aux Trois Suisses en une simple lettre, « je voudrai la même chose que ma voisine madame Untel », et recevaient la bonne commande en contre remboursement.
Je me souviens aussi des années collèges, protégée du monde dans un uniforme bleu marine. Je me souviens du premier choc pétrolier, je me souviens des fastueuses soirées où mes parents étaient conviés d’un temps où les entreprises nationales et privés avaient les moyens. Je me souviens de Pif Gadget, bonheur de la semaine et des 100 idées que j’attendais chaque mois avec impatience.
Je me souviens du bicentenaire des Etats Unis avec la France à l’heure américaine.
Je me souviens de soirées télévisées avec Marithie et Gilbert Carpentier ….. ou de Sue Elen et Jr apportant à la populace un rêve de faste et de gloire. Je me souviens de fêtes fantastiques toute la famille réunie pour un oui pour un non devant un gigantesque méchoui dans un terrain qui n’était pas encore Les Léonides. Je me souviens de baptèmes, de mariages, d’anniversaires, et de communions, d’un temps ou nous habitions pas tous éloignés les uns des autres, parce que le bassin d’emploi existait.
Je me souviens de la première crise économique, je me souviens de ce putain de conseiller d’orientation qui chaque fois que nous émettions l’idée d’un métier, se mettait à clamer tel un politicien aguerri et surdoué , « mais vous n’y pensez pas très chère, l’avenir de cette branche professionnelle est totalement bouché. » C’était bouché, tout était bouché … on appelait ça la crise économique, c’était 1979 ou 1981 je ne sais plus. Je me souviens du coup de gueule de Balavoine, et des délires Coluchiens, je me souviens de la création des resto du coeur. Je me souviens de cette peur irraisonnée et pourtant si réelle du SIDA, combien de nos connaissances, de nos amis sont tombés. Je me souviens de la drogue qui circulait dans le lycée et dans toutes les soirées. Je me souviens avoir essuyé je ne sais combien de réforme de l’éducation nationale, qu’au moindre redoublement, la réforme au cul, c’était toute une éducation à reprendre.
Je me souviens de Steve Jobs et de son garage, je me souviens de mes premiers pas en programmation en Cobol et de mon premier Amstrad, je me souviens des factures astronomiques de mes parents pour le Minitel. Je me souviens de la bibliothèque de Toulon, digne de celle d’Harry Potter.
Je me souviens de la fermeture des chantiers navals de la Ciotat et de la Seyne sur mer, je me souviens de grèves sans fin des camionneurs, bloquée dans une ville sans carburant, les rayons de supermarché vidés par des gens dans l’angoisse des restrictions qui inlassablement faisaient provision de café, de sucre et de pâtes.
Je me souviens d’un taux de chômage si élevé et des tonnes de petits boulot à faire.
Puis je me souviens des guerres loin de nous …. La guerre du Golfe, le Rwanda, la Yougoslavie et puis tout ça …. je me souviens de Ttchernobil, des attentats de 95. Je n’ai pas oublié Zlata et la petite Omayra Sánchez. Je n’ai pas oublié le Drakkar, et le 11 septembre, le Tsunami, Fukushima.
L’an 2000 qui nous semblait de la science fiction.
Je me souviens m’être faite traiter « de salope qui couche avec des arabes » parce que j’étais avec mes petits soeurs d’origine algérienne adoptées, de 20 ans mes cadettes. Il y a des choses qu’on ne peut oublier …. Je me souviens de mon copain Rachid, se promenant avec sa carte d’identité française agrafé sur sa veste pour visiter la foire de Marseille.
Je me souviens des harceleurs de rue, de bureau, mesquins chéfaillons jamais punis, jamais inquiétés. Leurs noms forment une grande ribambelle dans ma mémoire. Je me souviens des exploiteurs (minables entrepreneurs) profitant d’un système pour s’engraisser sur le dos de gens sous payés.
et puis il y a la vie qui continue, d’un pays à l’autre, d’un métier à un autre, d’une vie à une autre, les êtres chers qui disparaissent … les enfants qui naissent, tout un amour à construire… et ce tourbillon … qui m’emporte … qui nous emporte, la vie n’est pas un long fleuve tranquille, elle ne le sera jamais.
Aujourd’hui je fais un micro point sur un demi siècle, c’est quoi un demi siècle quand on sait que l’humain est vieux de 7 millions d’années. Le temps continue à s’écouler. Il fait beau, nous sommes le 20 avril 2016, chaque jour qui passe nous rapproche de l’été. Il y avait il vraiment besoin d’écrire tout ça … ? Si peut être …. A mes filles …. faites ce dont vous avez envie et rien d’autre, ça passe trop vite.