Chaque année, c’est un moment magique, l’arrivée des fleurs de nénuphars et des nigelles, les fleurs s’ouvrent quasiment en même temps et le jardin se pare de rose et de bleu. Je ne sais pas pourquoi, mais les fleurs de nénuphars me ramènent dans le passé. Peut être un livre de conte pour enfants où Poucette ou une autre créature incertaine vivait dans une fleur sur l’eau. Je ne sais pas vraiment, mais la poésie du nénuphar est ancrée dans ma mémoire.
Les nigelles dans leur délicatesse sont aussi propices à la rêverie. Délicates et échevelées, on dirait qu’elles se réveillent ou que l’on vient de les surprendre au saut du lit. Chiffonnées, elles se dressent vers un ciel où elle se mirent et en prennent toute la palette. Les insectes ne sont pas légion cette année, il y en a peu, certainement le froid, alors je les chouchoute, et les observe.
Aujourd’hui le ciel est noir de colère, comme si toute la rage qu’il contient va s’étendre sur nous. J’ai repris mes bonnes vieilles habitudes, enfilant un gros pull bien vieux, bien moche et détendu. Il parait que l’apologie du moche est tendance en ce moment, peut être que je suis tendance. J’ai filé dans mon atelier vous écrire ce petit rien avec un café.
Comme avant, comme il y a longtemps, avant que la vie m’emporte dans un tourbillon quotidien et matériel, avant que mes filles grandissent, je vous écris. Dans l’atelier des tonnes de fournitures m’attendent, elles n’attendent que mon bon vouloir et le petit déclic au fond de ma tête, qui lancine et scande quelques mots « tu dois créer, c’est ta survie qui en dépend ».
Alors oui, je vais créer, aujourd’hui ou demain, la raison l’emporte souvent sur l’imagination, vais je aller au supermarché, il n’y a plus de croquettes pour les chats, vais je passer la serpillière sur un sol qui n’en peut plus des allées et venues animales et humaines. Vais je enfin poser mes fesses sur mon fauteuil et ouvrir ma boite à couture ? Vais je enfin donner naissance à cette multitude d’improbables qui n’attendent que ça ? De toute façon je dois nourrir la meute.
Demain je vous parlerai de l’exposition de patchwork de ma marraine et ses amies. Demain, demain est un autre jour … n’est ce pas Tara ? Le ciel gronde, le tonnerre s’entend au loin, faites qu’il n’y ait pas de grêle.