Mon père, Jean Pierre Arzalier
Ce jour tant redouté est arrivé, le jour de ta mort, j’avais espéré comme tous les enfants, que cette salope t’aurait un peu oublié. Mais elle est venue, et t’as prise dans ton sommeil, toi qui ne dormais plus la nuit, car tu sentais que c’est dans ton lit que tu t’en irais. Depuis c’est le silence. Tu es parti en silence, un comble.
Toi qui étais si bruyant, toi dont la carcasse emplissait toute la pièce quand tu entrais quelque part. Toi si tonitruant, toi qui a toujours été incontrôlable. Tu ne criais pas papa, jamais, tout le monde le savait, tu avais simplement la voix forte, et c’est ainsi que nous avons vécu auprès de toi, dans tes grognements, tes rires, tes fous rires, tes délires, tes rêves, tes colères, tes indignations sur le monde, ce monde dont tu étais si moqueur. Tous ces mots qui n’appartenaient qu’à toi, ceux que tu inventais au fil des jours, c’est ce qui nous faisaient rire. Tout s’est arrêté dans cet énorme silence. Je déteste ce silence, je n’arrive pas à m’y habituer. Et je déteste parler de toi au passé.
Papa, tu es là, juste là dans cette boite horrible, je n’ai pas envie de faire le panégyrique de cet homme que tu étais, (tu as vu je t’en coince une là pour les mots fléchés) je n’ai pas envie de faire des hommages qui te feraient rire tu me disais toujours en te marrant, quand nous nous retrouvions pour un enterrement en te promenant dans le cimetière « sur les tombes, tu as vu, on n’écrit jamais « c’était un enculé », il y a toujours « à notre cher regretté ».
Alors papa je te le dis aujourd’hui, tu étais un chieur de première. Mais de ces vrais chieurs qui arrivent à changer le monde, grâce à toi, je n’ai jamais eu peur de personne ni de rien. Pour toi la réussite était normale, les échecs aussi d’ailleurs, quoiqu’on puisse entreprendre, une porte quelque part s’ouvrait. Rien pour toi n’était définitif dans la vie, que la seule chose importante c’était ta famille. Que c’était vraiment la seule chose pour laquelle ça valait la peine de se battre. Tu nous a appris à avoir une famille. Ce sens de la famille, que tu avais élargi à ton travail à tes copains, ils devenaient tes frères. Tu étais fier de nous, mais tu ne voulais que personne ne le sache, surtout pas nous.
Cette famille que tu couvais comme un chef de tribu, une famille dont tu étais le patriarche, un clan dont tu avais édicté les règles et que tu aimais nous voir transgresser, « faites ce que je vous dis, ne faites pas ce que je fais ». Tu as fais de nous, de moi, des rebelles, des êtres libres de toutes entraves, des hommes qui se tiennent debout. Tu étais bon et juste, tu détestais les racistes, les faux culs, les thuriféraires (je te l’ai dit Pa, que j’allais t’épater pour les mots fléchés), les intégristes et extrémistes de tous bords. Les conventions à respecter c’étaient les tiennes pas celles construites par la société. Cette famille qui s’agrandissait chaque fois un peu plus, par des enfants, des beaux enfants et des petits enfants. Nous, que tu as eu avec maman, mes frères et soeurs de sang, celles dont tu es devenu le père et qui sont aujourd’hui mes soeurs de coeurs, et la horde de petits enfants que nous t’avons tous offerts. Les amis, tes copains, les voisins, chacun avait sa place dans ta tribu, dans ta maison au portail toujours grand ouvert dès l’aube.
Tu agrandissais alors ta maison, travaillant sans relâche seul pierre par pierre. Tu devenais en vieillissant, le papy de tous les enfants qui le souhaitaient. Il y a bien plus d’enfants qui t’appellent aujourd’hui papy que le nombre réel de tes petits enfants.
Ta vie n’a jamais été un fleuve tranquille, de cette guerre d’Algérie dont tu ne parlais jamais, tu disais qu’il n’y avait pas de quoi en être fier, et que toute guerre était une saloperie, tu avais gardé un regard objectif, réaliste et bien souvent cynique sur la politique, et ça te faisait marrer de voir maman s’enflammer pour tel ou tel candidat, et tu t’ingéniais à la contrarier en te mettant systématiquement dans l’opposition, et ça me fait encore rire, de voir ton regard pétillant, ton sourire en coin, regardant les autres s’énerver, me disant «regarde ta mère, comme elle va démarrer ».
De tes quarante ans à la Régie Renault, tu avais gardé le goût de la perfection, celle que tu demandais à tes ouvriers et que tu nous demandais en retour. Tu avais gardé cet esprit d’équipe, qui est encore le nôtre aujourd’hui.
Tu adorais que les gens te critiquent sur la façon d’élever tes enfants, tu nous disais, « les résultats c’est plus tard que je les aurais » Papa tu avais raison, tu peux t’en aller tranquille, tu as fait de nous des adultes responsables et libres.
Et puis tous les animaux, les chats, les chiens, les chevaux que nous t’imposions, Marie qui avait voulu un cheval, et finalement tu es devenu meneur pour elle. Tu acceptais tout de nous, en râlant tout ce que tu pouvais.
Tu étais si moqueur, de ce regard lucide que tu avais sur les autres, sur la société, que tu en devenais quelque part dérangeant, pour toi les apparences n’avaient aucune importance, la place dans la société encore moins, ce que tu faisais n’était jamais par rapport aux autres mais pour toi ou les tiens, ou parce qu’il fallait que tu mènes à bien une mission, un travail, un objectif. « Les autres on s’en cague ».
Alors Papa, je pourrais écrire durant des heures pour te retenir encore un peu avec nous. Mais il faut que nous te laissions partir, j’ai beau filer des coups de pieds dans ton cercueil pour que tu te lèves, tu ne te lèveras pas, et je vois ton regard clair en coin, me dire, laisse moi dormir. Un de tes fameux proverbe du Luberon, ceux que tu inventais en toute circonstance, disait « quand le père est fatigué, il va se coucher ».
Tu nous a tant aimé Papa, toi pour qui les mots d’amour ne servaient à rien, seuls les actes comptaient, tu nous as tant aimé que ton amour ne peut que perdurer dans l’éternité, tu as aujourd’hui le droit de te reposer.
Alors, Papa je vais bâcher la piscine, surveiller qu’elle est bien fermée pour qu’aucun enfant n’y aille sans surveillance et promis chaque soir j’irai fermer le portail et surtout je n’embarquerais pas la clé avec moi, sois tranquille. Nous continuerons les soirées sans fin, à refaire le monde, à inventer des usines improbables et des arrêts de bus délirants, parce que par dessus tout, tu nous avais appris à rêver.
Alors Papa, où que tu sois aujourd’hui, et quoique tu ai à faire. « Fais le Papa, et fait le bien »
Quoi qu’est ce tu dis ? Que tu t’en bats les couilles de tout ça … non, tu grognes de satisfaction, de ta petite plaisanterie, de nous avoir tous réunis. Rosy, regarde ils sont tous là les petits.
Mais s’il te plait Papa, en te présentant à Saint Pierre, ne lui dis pas en lui serrant la main « Jean Pierre Arzalier, champion de baby foot », s’il te plait.
Repose en paix, Papa.
44 commentaires
nadia
que tu lui rends un bel hommage! au travers de ton beau texte je le devine!
bises
Marie Mys
Quel bel hommage.
Il reste ce que rien ni personne ne pourra nous enlever ; les souvenirs de vie partagés. Le souvenir de ces moments où l’on se comprenait et ceux où l’on se comprenait moins.
Il reste au final cette grande tendresse pour nos pères qui s’en sont allés…
Une pensée pour toi et ta famille, je t’embrasse.
valerieD
<3
un bel hommage …. c'est toujours dur de perdre un etre cher …..
bizzz à toute la famille
béatrix bouillon
je comprends ……
je n’ai pas eu cette chance, un père démonstratif dans tous les sens du terme….mais quel vide nous laisse le père lorsqu’il part…..
Nath45
Quelle belle déclaration d’amour, j’en ai les larmes aux yeux !
Gros bisous Nathalie
ovar
Je vois ton sourire à travers tes larmes . C’est comme cela avec ce genre de père.
Amitiés
Carole Houde
Quel belle hommage vous faites à votre père….. Tant de souvenirs, de bonheurs qui resterons à jamais dans vos cœurs…. Douce pensée à vous et votre famille…….
Marie-Pierre
J’ai les larmes aux yeux. Un superbe hommage à ton papa. Le mien est parti en 2006 et il me manque toujours …..
Larroque Bernadette
Il doit être ému là -haut !Je pleure d’émotion,l’hommage que vous rendez à votre papa est rempli d’amour.
Moi aussi,j’ai tant aimé mon papa!
Je vous embrasse.
ARZALIER
ben tu m’as encore fait pleurer mais c’est tellement vrai au revoir papa
Chris
un superbe cri d’amour, reposez en paix Monsieur
chantal ALPHONSE-RODARY
quel bel hommage, il peut dormir en paix , ila transmis le flambeau
Nicopatch57
Ton papa faisait partie de cette génération qui ne montrait pas ses sentiments ou seulement dans de très rares occasions. Quel bel hommage de ta part! Bises.
ocelie
Je redoute ce moment où le mien partira, merci pour ce partage Nathalie, courage à toi et aux tiens…
DIEZ MADELEINE
Très bel hommage pour ton papa, hommage d’une fille a son père,il a rejoint tout ses amis.
carton karine
Nathalie, tu rends un bel hommage à ton père tant aimé et tel qu’il était réellement connu de tous ; bougru au cœur en or, qui ne comptait pas pour les siens et (ceux qu’il appréciait) ; sa famille de sang et de cœur qu’il aimait tant avoir à ses côtés pour les faire rire et râler à sa guise en rôle de meneur de troupe. Sa famille comptait énormément et gare à ceux qui voulaient s’en prendre à eux !!! Droiture au travail et pourtant savoir sortir des codes pour ne pas faire comme les autres, tout était dans l’art du dosage ! Comme tu l’as si bien dit, il nous en a tous cloué le bec de sa victoire de partir sur la pointe des pieds sans se plaindre et sans un bruit… il doit bien en rire ! lui, qui savait parler haut et fort comme chante les cigales ! « Les voisins on s’en fou, s’ils ne sont pas content ils n’ont qu’à aller faire un tour…. je suis chez moi ici » ! rester simple et nature, c’était notre gentil Jean-Pierre Arzalier. Les amis, les voisins, les copains d’une vie sont toujours invités à pousser le portail et à chanter la vie dans ma demeure tant aimé. « Qu’on s’occupe bien de mes bêtes et de mon jardin surtout pour que les enfants s’y sentent toujours aussi bien. Que les couturières continuent à nous faire rêver de leurs doigts de fées et qu’on arrête de me pleurer, ça me fait chier » ! voilà ce qu’il pourrait vous dire dans la brise du vent. Rosy peut être fière de cet homme qui a su l’accompagner durant des décennies et traverser autant ensembles, maintenant il faut prendre soin de vous tout simplement sinon vous allez l’énerver notre petit ours du sud. Il nous manque énormément et cela va être dur pour vous mais on est là si besoin…. tendresse k.
Christa
Je n’ai pas pu répondre ce matin.. Les larmes ont tout brouillé en lisant ce magnifique hommage à ton père; je me suis retrouvée devant le cercueil du mien il y a très longtemps. C’était hier.
Courage et pensées amicales à toi et ta famille.
Fa bienne
Je ne te connais pas ( pas en vrai) , mais je te serre dans mes bras, sans rien dire.
josy26
que c’est émouvant ! bel hommage à ton père . la vidéo est superbement montée . Bon courage à toutes ta famille . Il faut du temps …
Katell
Tant de tendresse… Tu me fends le cœur Nathalie.
barbara
Quel magnifique hommage « On sent passer l amour » comme on dit chez nous ! Je t’embrasse très fort toi, ta famille et Rosy
Marie-Anne
Merveilleux hommage pour le premier homme de la vie d’une fille tant aimée,
Courage à vous,
Ma.
Matistsat
Je t’admire Nathalie … Quel Bel Hommage …. Quelle Belle Famille ….
mamie cocotte
Monsieur l’Ours du Luberon, quel bel hommage de votre fille. Que c’est dur de quitter un tel personnage mais ainsi va la vie.
Couson
Il n’y a que toi pour écrire un si beau texte. Je pense qu’en le lisant chacune a eu les larmes aux yeux , se remémorant des moments si douloureux que la perte de l’être cher semble irréelle . Je trouve que tu lui ressembles tellement ! Oui même nez, même bouche qu’il doit se dire allez ma fille prends la relève !
De tout cœur avec toi, je t’embrasse et pense au chagrin de tous les tiens.Béa
courde marie christine
très bel hommage !
Dans de telles circonstance les mots me manquent pour exprimer ma sympathie. Courage .
MCC
marie-rose
très bel hommage à ton père.
Ce sont toujours des moments difficiles à accepter et à vivre.
toute ma sympathie à toi, à Rosy et à ta famille
martine dionis
natahlie,
je suis en larmes, bien qu’ayant peu connu ton papa, juste quelques jours, quelques fois
, je l’aimais beaucoup, son surnom de l’ours, luji collait bien à la peau
ses yeux pétillants de malice, surtout quand il jouait un bon tour à quiconque,
sa droiture d’esprit, sa faconde, ses coups de gueule,
sa façon de conduire, et les qualificatifs qu’il employait( chut le mien faisait pareil) au volant , faisaient de lui, un homme inoubliable, Certes , un peu nounours, mais un cœur sur la main, un peu râleur, mais surtout pour faire râler les autres, et ça marchait.
Daniel est très triste aussi, je ne vous présenterais pas les mots circonstanciés, car j’en suis sur , il n’aurait pas aimé,
alors, je lui souhaite bon voyage, et s’il rencontre mon père, qu’il ne fassent pas trop de Conneries ensemble St Pierre serait pas content
bisous à tous
martine
ladyblack
super hommage….
je découvre ce que peut être un père, moi qui n’ai pu qu' »entrevoir » le mien…..
mamie simone
Merci Nathalie de rendre hommage à Jean-Pierre de cette magnifique manière. J’ai beaucoup pleuré en lisant ton message.Je pense à Rosy et à toute la famille.
Tu vois jusqu’où il a poussé le savoir vivre, il a attendu que la grande fête des Aiguilles soit terminée avant de vous quitter. C’était une sacré figure l’Ours du Luberon, je crois que ceux qui l’ont rencontré ne serait-ce qu’une fois ne pourrons pas l’oublier. Nous sommes de tout coeur avec vous.
Bisous à tous
Mamie Simone
Jeannick Guérin
Très bel hommage , je n’ai pas de mots , ma gorge est nouée , courage à toi , à ta maman et tous tes proches . je vous embrasse toi et Rosy . Pensées
Jeannick
Dany Farrugia
Bel hommage que tu as fait à ton papa (votre ours il vous plaisait de dire).
Je vous adresse à toutes les deux et à votre famille, toutes mes condoléances.
Je vous embrasse toutes les deux.
Dany
Simone CHAUVEAU YORKETTE
Les mots du coeur , très émouvants. Sincères pensées.
nicole(tte) couderc
Que d’amour donné,
Que d’amour transmis,
Que d’amour reçu !
Merci
Fabienne de la Palliere
Je viens de voir le montage et de lire le texte que vous avez écrit. …C’est beau …très fort en émotion. ..je ne vous connais pas en vrai mais je comprends la peine que vous éprouvez. ..Votre lettre est très belle ….les mots se suivent …clairs …limpides. ..vrais…le coeur parle ..Je suis très émue encore après vous avoir lu…courage ….
jubama
pas de mots… on ne s’y fait jamais …bisous
ANNE
Je trouve ton article magnifique, venu du coeur, direct , émouvant. Tu sais décrire une vraie personnalité. On ne peut pas écrire sur lui qu’on ne connaissait pas, mais je te serre dans mes bras, je penserai à toi et à lui . ET à ta maman aussi qui reste seule sans cette grande ombre qui , pourtant, à jamais, l’accomagne!
regine
Je n’ai rien a ajouter…Tu lui rends si bien hommage que le chagrin est partout dans ce texte et les images.. pensées à toi et aux tiens .
Carine
Magnifique hommage je me suis transformée en fontaine en le lisant….gros bisous à vous, à toi, à tes princesse et à la reine mère
Agnès
Superbe hommage, j’en reste très émue.
On est boiteux à vie après la mort d’un proche, mais on reste aussi aimé à vie.
Bon courage.
Agnès.
TOOGOOD CHRYSTEL
Quel bel hommage .J’en avais les larmes aux yeux … il était l’ami de mon papa Christian , parti déjà il y a 12 ans …. Peut être vont ils se retrouver la haut pour partager un pastis ….
Marinette
Nathalie quel magnifique hommage a ton papa. J’en avais les larmes aux yeux. Nous avons Albert et moi passer 4 jours chez vous et nous nous somment rendu compte de sa gentillesse sous son air d’ours mais toujours souriant. Nous sommes de tout cœur avec Rosy, toi et toute la famille.
Gros bisous
véro de Douai
Reçois mes condoleances car elles sont sinceres . Tu as de la chance d’avoir eu un papa pareil .
Claudine Beaurenaud-Colmont
Tu m’as fait pleurer Nathalie avec ce bel hommage. J’ai retrouvé le chagrin que j’ai eu à la mort de mon père. Je suis sûre que du haut du ciel il a dû apprécié tout ce que tu as écrit. Ces pères ne seront jamais oubliés. Je pense bien à toi, à Rosy et à toute ta famille.