Augusta,  Ouvrages,  Projets

Aran

Il y a longtemps que je n’ai pas tricoté, j’ai toujours eu un faible pour les pulls irlandais, car ils racontent une histoire, la terrible et tragique histoire des marins naufragés dont la famille reconnaissait les corps rendus par la mer grâce aux motifs de leur pull. Ces pulls si lourds qui les faisaient couler à pic une fois dans l’eau. Ils racontent l’histoire de ces familles, de ces clans, chaque point est une image, chaque motif un symbole.

Les pull irlandais, j’en ai tricoté quelques uns dans mes jeunes années, principalement des modèles de 100 idées, en écru, en bleu marine, en kaki,  cet été j’ai trouvé de la laine qui me convenait … et je me suis peut être laissé aller à l’achat inconsidéré .. et .. j’ai oublié la laine dans ma maison en France, et une petite souris adorable est allée faire un tour dans mon atelier et me l’a envoyé à Abu Dhabi …. Alors je la regarde, je l’hume (j’aime cette odeur de laine brute) je la touche. J’ai toujours aimé cette laine naturelle que j’ai toujours associée aux perles, les perles qui sont les larmes de la mer, les larmes des lacs, les larmes des femmes de marins,  comme si le pull irlandais ne pouvait s’enorgueillir qu’avec une matière venue de l’eau. Et je les lui offre ainsi en titre de noblesse …

J’aime torsader, combiner les points et les mailles, j’aime le point de riz et le point de blé, j’aime quand les points s’entrelacent comme une histoire d’amour, c’est le seul moment de ma vie où j’aime compter … compter les mailles, m’absorbe tout à mon ouvrage, tout en pensant, tout en rêvant à l’Homme Tranquille ou à un Taxi Mauve, c’est mon Irlande, celle que je ne connais pas, celle que je rêve éveillée, celle où je vais me reposer en pensée quand je suis fatiguée, celle que mon mari me raconte, lui le celte qui porte en lui, l’odeur des embruns, la fierté des gréements, la douce rudesse des voiles.

(sifflet de bosco, relique familiale, début du siècle dernier)
 
 

Alors j’imagine déjà raconter l’histoire de ma famille, un arbre de vie pour son unité,  du point de blé pour les algues qui fertilisent les sols les plus arides, les torsades, les bouts pour arrimer mon bateau, le point d’astrakan qui symbolise la Sainte Trinité pour  protéger les miens et tant d’autres encore …. alors j’y réfléchis sérieusement, elle est là à côté de moi, ma laine et j’attends … le moment où mes doigts auront ce besoin, cette envie irréprehensible de prendre des aiguilles à tricoter.

 

 l’histoire des pulls des Iles d’Aran.

11 commentaires

  • mamillon

    Eternelle irlande, j’aime beaucoup, d’autres écheveaux de laine t’attendent ici, la pure laine comme tu aimes (lol) tu n’en a pas besoin à AD (lol) je sais …

  • Ginkgo Biloba

    Que du bonheur de vous lire ce matin. Merci pour les souvenirs de mes 20 ans qui remontent:mon amie de presqu’un demi siècle, les chevaux de ses parents et nos fous rires lorsqu’elle tenta de m’apprendre le gaélique, nos rires tout court. Soudain il y a comme un manque…
    Peut-être je devrais reprendre mon « Bridget » qui attend d’être terminé, mais les pulls irlandais ici ne sont pas vraiment utiles.
    Bon après-midi à vous :-)

  • la fée faribole

    J’aime sentir glisser la laine entre mes doigts , j’aime la douceur et l’éclat des perles dans la lumière , j’aime la mer , j’aime les histoires d’hier , des celtes et celles d’aujourd’hui …J’aime lire votre histoire , elle me parle …
    A bientôt
    Sandrine

  • martine

    je sens l’odeur, je vois le symbole, j’aime ces pulls, et j’aime surtout ce que tu écris
    à bientot Martine

  • Malène

    Et je rêve d’océan, de grosses vagues , d’embruns…et de tricot couleur écrue dans une odeur d’iode. Ton texte est magnifique.

  • Fabienne

    Merci pour votre joli texte!! tellement rare sur un blog de LIRE du contenu, des sentiments exprimés avec une aussi belle langue….Et un peu plus de culture en plus, oui, vraiment, merci !

  • FilFollet

    Quelles belles images, merci ! Plus jeune j’ai beaucoup tricoté (des modèles de 100 idées entre autres) mais les pulls irlandais m’ont toujours fait peur…