Tout doucement, la Provence panse ses plaies, et pleure ses disparus, un peu hébétée par le silence soudain, on a repris nos véhicules et notre train train d’un lundi matin. C’est impressionnant de se dire que hier c’était la fin du monde, et aujourd’hui, tout est calme est paisible, le brouillard s’est levé, nous enveloppant d’un ouate grisâtre. La terre a bu l’excédent d’eau, il y avait 15 cm d’eau dans les champs et là plus rien, je marche précautionneusement dans le sol spongieux, les végétaux ont fait leur travail d’éponge. Les animaux heureux de mettre le nez dehors, les tourterelles sont venues grignoter, et les petits oiseaux également, il est tombé hier autant de pluie qu’en deux mois, et je suis fascinée par la nature, une toile d’araignée a tenue bon et se pare de perles d’eau, nous sommes bien peu de choses devant les éléments. Je suis désolée pour les photos un peu floues, je n’avais que mon téléphone.
Un dimanche
C’est effrayant, partout des inondations, chez nous le jardin ressemble à une rizière, de l’eau, de l’eau, et toujours de l’eau, il n’arrête pas de pleuvoir, la terre ne boit plus grand chose. Plusieurs maisons ont été évacués dans les villages voisins, la rivière de l’Eze a cassé une digue, Pertuis, la Tour d’Aigues, Grambois sont sous les eaux, on est là dans un état anxiogène, on prends des nouvelles des amis, et pour conjurer le mauvais sort, pour ne pas sombrer dans l’inquiétude tenace, avec ma fille, nous avons fait des bricolages pour Noël. Nous ne sommes pas à plaindre, nous sommes au chaud, à l’abri, tous nos animaux sont à l’abri.
Quelques vieux cônes de fils vides, des mini guirlandes électriques, de la laine mèche, et des étoiles de bois, on a essayé de mettre de la magie dans notre dimanche. Parce que là vraiment ce n’était pas très gai. On oscille entre sécheresse et inondations, bientôt nous n’aurons plus que la saison sèche et la saison des pluies et qu’on ne me dise pas que le climat ne change pas.
Demain sera un autre jour, nous verrons si les routes sont praticables, si on n’a pas besoin de nous, j’ai quelquefois envie de prier ou de crier, je ne sais plus au juste.
Saint Martin de la Brasque, le plus joli marché de Noël de toute la vallée
J’y suis allée pour l’installation, déjà l’année dernière, j’avais été charmée, et cette année c’est encore mieux, l’association « Les enfants d’abord en Sud Luberon » s’est dépassée. Je suis objective, et même très objective, même si c’est mon village et que j’adore Noël, tu n’y trouveras pas de made in China, pas de vente de n’importe quoi, en un mot j’adore, parce qu’il y a un je ne sais quoi plein d’amour et non commercial qui te donne envie de consommer. Les décorations faites avec beaucoup de goût, l’ambiance, la musique, je ne sais pas mais on s’y sent bien, il a une âme, tout est chargé de poésie peut être. Nous avons même craqué sur le stand des BD, magasin qui se trouve voisin à Marseille, de mon fournisseur officiel de petits riens O’Local, comme quoi, le monde est tout petit et j’aime ça.
Ce n’est pas que je ne t’aime pas lecteur, mais bon, j’y retourne, c’est jusqu’à ce soir 18h00, vient leur rendre visite. C’est sur la place du marché. Si tu vois un bonne femme, un peu ronde, un téléphone à la main qui continue à prendre des photos, ben c’est moi.
A tout à l’heure alors, il est clair que tu ne peux rater cette évènement, je t’attends, le père Noël va venir.
PS / J’ai vu le père Noël.
Les oubliés du panier à ouvrages
Ouvrir une vieille boite d’ouvrages non terminés, ils dorment dans le panier à ouvrages, leurs fiches explicatives jamais faites, ils me font peine, je viens de les ressortir, petits riens d’un temps où je brodais juste comme ça, ou je créais rien que pour moi. Ainsi vont mes aiguilles au rythme de saisons. Fil blanc et lin, fil à coudre noir et blanc et les pélerins de Thanksgiving taillés dans un taie d’oreiller de la 1er guerre mondiale du service de santé des armées, avec le tampon matricule rouge que j’ai rebrodé. J’ai une tendresse particulière pour ma dinde.
Fiche ou pas fiche, je ne sais pas encore, l’Arlesienne ira dans un vieux cadre, le modèle n’est pas de moi. Je vous rassure, il y en a d’autres.
Bonne journée tout le monde.
Des lumières
Hier lecteur, tu m’as demandé ce que j’avais déniché lors de ma virée brocante, « Aux 1000 merdiers »(pour ceux qui sont fidèles depuis 10 ans, ils savent ce qu’est un 1000 merdiers) des fioles, des fioles dont je rêvais depuis très longtemps, elles ressemblent à des fioles de potion magique, avec leur ventre rebondi et leur long col, et je les ai éclairées. Et chaque lumière a apporté une touche magique dans le matin triste, et je me suis dit, que je pouvais bien les éclairer pour ceux qui avaient besoin d’un peu de lumière, et voilà mes vieilles carafes qui se sont illuminées l’une après l’autre, c’était chouette. Les gros bocaux, je les ai trouvé chez Gifi, l’année dernière, les autres carafes, au long de mes virées. Vous savez quoi, c’est la première fois de ma vie que j’ai hâte qu’il neige pour les déposer dans la neige et les éclairer.
Un inventaire à la Prévert
Qui est cette Mathilde ? Personne ne le sait, des tapisseries aux petits points, surveillées par les nymphes d’un imposant buffet Henri II, des soupières italiennes kitchissimes et princières à souhait, des couvre chefs qui gardent encore la superbe d’officiers d’un vieille guerre, chaque objet raconte son histoire à qui veut bien l’écouter, à qui sait l’écouter. Sauvés du rebut, ils sont là et attendent un nouveau propriétaire, quelqu’un qui peut être les aimera, leur donnera une autre vie. Les anciens sont décédés ou bien s’en sont lassés. De cette solitude imposée ressort une grande dignité, une majesté même, blessés de cet abandon, ils en gardent une fierté palpable, ne laissant transparaitre leur peine, je voudrais tous les sauver, comme on essaye de soigner les chagrins d’amour de ceux qui nous entourent.
Finalement, objets de brocante, de vide grenier, des Emmaüs ou même des poubelles, vous n’êtes pas mieux lotis que les humains, dans ce monde de surconsommation où l’histoire des petits gens n’a plus de place et les souvenirs non plus. La machine à coudre murmure, j’ai connu deux grandes guerres, j’ai cousu des vêtements à des générations d’enfants, que vont il faire de moi ?
La chaise au dragon soupire de tristesse, pendant que les verres dépareillés recherchent leurs congénères, un berger appelle ses moutons. Je suis là à les entendre, je ne peux vous prendre tous.
J’y vais trop souvent, j’en reviens les bras chargés dans un vain espoir d’être une gardienne du passé, une sentinelle des temps anciens.
Après les orages
Collectionner les ciels, dans une collection poétique, regarder autour de soi, prendre le chemin des écoliers pour rentrer à la maison, contrainte par les incessants travaux d’avant les élections municipales, prendre le chemin de traverse « monter à Mirail » pour voir si elle n’a pas pris elle aussi le chemin des écoliers, elle a certainement passé le pont hier, elle était sur la route, des traces de son passage sont encore visibles, elle gronde, elle est puissante, elle, source et ruisseau si calme et paisible en temps normal, elle a l’air en colère, énervée d’avoir été canalisée. C’est comme tout, vous pourrez bétonner, nous faire des trottoirs et des parkings en pleine campagne, nous obliger à couper l’herbe folle aux abords de nos champs, vous pourrez avoir des idées grandioses et vouloir laisser une trace dans l’histoire, vous croire dans une ville, vous prendre pour une banlieue, la nature reprendra ses droits, c’est inconditionnel, c’est obligatoire, vous n’êtes qu’un fétu de paille dans le temps, vous n’êtes rien, je ne suis rien, Elle, Elle reprendra sa place, Elle nous laisse dans sa grandiose bonté l’habiter, mais pour combien de temps ?
J’aime ce coin du Luberon, habitée par les rêves, les pierres moussues, les vieux chênes, autant d’abri pour les esprits qui l’habitent. Bonne journée à tous, la terre panse ses blessures. Il va faire beau, le soleil transperce les brumes.
PS / une citation que je viens de lire et qui résume tout :
“La ville a une figure, la campagne a une âme. »
Jacques de Lacretelle
Mirail est en colère.
Dimanche de pluie
Subir le déluge depuis vendredi soir, sans arrêt, se dire qu’on a de la chance, la chance de ne pas faire partie des sinistrés, des morts, des disparus, des personnes qui n’ont plus rien, de ceux qui ont tout perdu. Penser à eux sans arrêt.
Les alertes ont été données dans chacun de nos villages, chaque ruisseau a décidé de prendre les routes pour lit.
Laisser les chevaux et les poules à l’intérieur. Compter les 9 chats et les 4 chiens et se dire que tant que tous sont à l’intérieur, ils ne risquent rien.
Regarder la désolation du jardin, voir que la terre boit avec soulagement.
Puis prendre son mal en patience, avoir la chance d’avoir épousé un breton, manger des galettes, et puis goûter le Beaujolais nouveau en hommage à mon père, même si je n’aime pas le vin.
Et puis dessiner dans l’atelier, regarder des séries, trier les journaux d’un autre temps, sourire des publicités, rentrer à la maison, faire un feu, reprendre un vieux tricot coloré et penser à le refiler à terminer à ma mère comme d’habitude et faire des châtaignes en regardant un film de Noël en demandant au très vieux labrador de bien vouloir me laisser une place sur le canapé.
Je pense que mon dimanche ressemble aux vôtres, du moins pour ceux qui n’avaient pas le droit de sortir pour cause d’alerte.