Entre la Tour d’Aigues et Pertuis, il existe perdu dans les vignes, un petit chemin, un petit chemin qui traverse les vignes, ondule dans les champs, parsemé de cabanons. Ce chemin est mon parcours initiatique quotidien, il me prépare à affronter la réalité le matin, il me nettoie de la misère et des horreurs du monde le soir … Il est mon oxygène et mon moment de méditation. Il n’est qu’un chemin au milieu des vignes, mais il est mon chemin. J’y scrute les premières pousses du printemps, l’hiver il se pare de brume et de gelée, quelquefois de neige pure, au printemps, les amandiers me font une haie d’honneur, les coquelicots parsèment de rouge les talus, l’automne qui s’animent de vendangeurs. Le soir au couchant, les faucons rappellent leur ouailles en cri stridents perchés sur les toits des cabanons. Les corbeaux et les pies dans leurs habits de soirée sautillent en des valses oubliés d’une partition improbables que seuls ils entendent. J’y regarde les hommes de la terre travailler à chaque saison, il me raconte l’histoire, celle de la grande exode des Huguenots, ce chemin est l’histoire de ma région. Le matin la Sainte Victoire m’accompagne jusqu’à mon travail, le soir c’est le Luberon, mon Luberon qui m’accueille en son giron, comme une mère accueille le retour d’un enfant. Et puis il y a les cabanons, ces mêmes cabanons, qui depuis que je suis enfant, me font rêver, des maisonnettes de contes de fées. Ces mêmes cabanons qui dans mon imaginaire reste l’histoire de ma famille, le cabanon de mon arrière grand père. Je ne sais même pas où il se trouve ni où il est, mais j’ai le souvenir de ces histoires de famille, qui racontent les piques niques rituels pour la Pentecôte, le déjeuner au cabanon, lui n’était pas dans les Huguenots, mais à Fonsange vers Sauve, pays lui aussi parpaillot dans l’histoire, cabanon où mon père jouait avec ses cousins aux guerres de religions (une partie de la famille protestante, l’autre catholique) en des luttes sans fin et fratricides.
Je vous abandonne, mon chemin m’appelle, c’est le matin que je le préfère.