Les sans grades

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J’ai une immense tendresse pour les poupées anciennes et vous le savez tous. Les poupées anciennes, les belles de porcelaine, celles aux dents éclatantes et aux grands yeux en émail. Celles dont les perruques étaient de véritables cheveux humains, les nattes vendues par les femmes quand elles n’avaient plus de quoi manger, ces poupées là font rêver, moi la première, poupées pour petites filles riches, très riches même, qui valaient quelquefois le salaire annuel d’un ouvrier, d’un journalier. Je les aime, et j’en ai. Mais j’ai un immense amour, pour les sans grades,  celles qui n’ont rien de passionnant pour un collectionneur, celles dont les mamans des petites filles qui n’étaient pas très riches achetaient les têtes en cartons et les mains en celluloïd  à la droguerie – mercerie, au bazar du coin de la rue, le magasin de frivolités ou les commandaient par correspondance sur l’hebdomadaire féminin qui offrait le patron et les modèles de vêtements. Mais bien souvent, même le journal féminin était bien trop cher, la lecture était un luxe. Alors c’était de l’improvisation, des gestes ancestraux qui ont créées ces poupées.  Ces poupées là bien souvent avaient le corps et les membres cousus par les mamans, et avec l’aide de leur petite fille un magnifique trousseau digne des plus jolies princesses, naissaient à quatre mains avec des restes de laine et des tombées de tissu, ou des estrasses (chiffons) comme on dit chez moi. Leurs cheveux étaient de laine, de fil ou de filasse, quelquefois ce n’était qu’une demie tête qu’on apposait sur une poupée de chiffon.

J’en ai une à laquelle je tiens particulièrement, c’est celle de la maman d’un ami. Son petit fils me l’a offerte car borgne elle lui faisait peur. je l’ai déshabillée doucement, la robe de soie a fusé dans tous les sens, et je lui ai commandé une paire d’oeil d’un magnifique bleu. Dès qu’ils arrivent par voie postale et de France, je vous ferais part de sa renaissance. Elle est bourrée de paille comme presque toutes les autres.  Le textile valait très cher, et la bourre de laine pour les coussins étaient du luxe.

J’ai des têtes non montées offertes par une amie également, j’imagine des mamans qui comme moi, ne les ont jamais montées,  peut être trop occupée pour les créer ou tout simplement venant de vieux stocks de magasins.

Elles sont là, elles attendent un jour mon bon vouloir, j’ai amassé la documentation les concernant.  Je viens de faire un recollement de tout ça et les ranger au même endroit, dans mes amoncellements digne d’un inventaire de Prévert, il y en avait un peu partout, je sais que j’en ai d’autres dans d’autres cartons, lutines d’un autre temps, poupées aimées, poupées usées. Elles sont de celles qui racontent la petite histoire, celle des restrictions, des guerres et des après guerres, cette histoire que personne ne raconte, celle du quotidien de ceux qui ont souffert. Celles du temps d’avant la surconsommation, celles d’un temps que même moi je ne peux comprendre. Celle d’un temps où les poupées étaient tant aimées.

Bonne Saint Valentin à tous.

j’ai préféré vous parler de poupées, des coeurs vous devez en être en overdose.

7 Responses

  1. PATRICIA Chouet

    Magnifique Penser qu’elle ont fait naître des étoiles dans les t’édenta petites filles d’un autre temps, vaut largement mieux que tous ces cœurs artificiels accrochés partout et pour tout
    Bonne Saint Valentin à toi

  2. Lolau Rouge et Lin

    Alors moi perso elles m’ont toujours fait flipper :p Je ne saurais expliquer pourquoi… j’ai les miennes qui ne sont pas encore trop vieilles (quoi que j’en ai une qui a mon âge à un an près :p donc ça commence à faire…) j’ai du tomber petite sur un film d’horreur sans m’en souvenir et cela me génère, quand j’en vois une, de la peur :p … mais si tu les aimes alors tant mieux !! il faut bien que quelqu’un leur donne un peu d’amour !!! hâte de voir la borgne avec son nouveau regard tout de même !! belle histoire que tu nous racontes à leur sujet en tout cas ;)

  3. Carole Houde

    Ho!!!!! Kratrice tu tombe dans mes amours à moi aussi que c’est un beau petit rien, moi aussi mon amour des poupées est la depuis toujours!!!! Petite fille j’ai trouvé dans les herbes doux des arbres une poupée sans bras et sali de terre…. J’ai du avoir 9 ou 10 ans, chez un oncle et une tante de mon père, on y aller une fois par année. J’ai récupéré cette poupée d’un autre temps, laver et dorloter mais mes parents ne voulaient que je la rapporte à la maison , ils m’avaient dit “tu en beaucoup à la maison” tante Alice m’a, dit : je vais te la garder elle t’attendra je l’ai retrouvé l’année suivante et quel bonheur pourtant elle avait besoin d’amour la petite. j’ai eu la permission de la rapporter moi cette fois là quel bonheur, je lui est fabriqué des bras et je l’ai habillé j’ai aussi les poupées d’un autre temps, j’ai eu la chance d’en faire quelques une en porcelaine tout ce blabla pour te dire que je partage ta passion tu as bien des jolies têtes dans une boîte qui attend juste un corps bien du plaisir dans tout ça bonne St-Valentin belle amie

    • Marie-pierre

      Un bonheur ces poupées et poupons d’Antan
      Ma maman m’a donné son poupon, il était en piteux état.
      Je l’ai fait réparer, maintenant il faut l’habiller
      Belle journée

  4. Annie de Laragne

    J’aime beaucoup ces poupées ! Merci pour ce petit  » grand » rien …

  5. Fabienne

    Ton article m’arrive 3jours après sa parution. Mais qu’importe, puisque cette parenthèse enchantée me comble aujourd’hui. Merci.

  6. Pierre et Elisabeth

    Merci pour ce très bel article avec lequel nous sommes d’accord, chez nous les poupées racontent leur histoire et même leurs « petites » histoires.

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