Il y a dans un coin de mon atelier, une coupe, une réplique d’une antiquité chinoise qui est interdite d’être prêtée pour une exposition à l’étranger. Lorsque je l’ai ramenée d’une de mes virées brocante, j’ai fait des recherches. C’est la coupe d’une reine chinoise qui a vécu, il y a plus de 3000 ans, mais quelle reine ! Elle fût grande prêtresse, générale d’armée, elle est de ces femmes qui ont fait de nous les femmes que nous sommes aujourd’hui, bien avant que l’obscurantisme nous transforme en ombres humaines, gommant dans les livres ces femmes incroyables ne laissant aux petites filles que le choix d’être une princesse en robe rose ou une pauvre servante qu’un prince vient sauver de sa piètre condition. Je me demanderai toujours qui a jeté cet objet, pour qu’il se retrouve dans une ressourcerie du Vaucluse, comment est il arrivé jusqu’à chez moi. Un souvenir de voyage certainement, mais pas n’importe lequel.
Alors je rêvasse devant cette coupe qui m’interpelle et me fait sentir toute petite dans l’histoire des humains et du monde, et j’ai eu envie de vous la raconter.
Un peu d’histoire, glanée ici et là sur divers site, que je mets en lien en fin d’article.
La reine Fu Hao fut l’une des femmes les plus influentes durant le règne du roi Wu Ding des Shang, dont elle fut la seconde épouse. On estime qu’elle vécut vers 1250-1200 avant notre ère. Elle reçut comme nom posthume Mu Xin (chinois : 母辛 ; litt. « Mère Xin »). Elle grimpa rapidement les échelons de la hiérarchie et devint générale en chef des armées et grande prêtresse. C’est elle qui mena les troupes Shang à la victoire dans la campagne contre les tribus Yi, Ba et Qiang. Elle mena aussi la guerre contre le Tufang, qu’elle gagna. Elle était la cheffe militaire la plus crainte et la plus influente de la cour.
Le roi Wu Ding a obtenu l’allégeance des tribus voisines en épousant une femme de chacune d’elles. Fu Hao, que l’on croyait être l’une des 64 épouses du roi, entre dans la maison royale grâce à un tel mariage et profite de la société esclavagiste semi-matriarcale pour gravir les échelons et devenir l’une des trois épouses du roi Wu Ding avec Fu Jing (婦妌) et Fu Shi (婦嬕). Fu Jing était la reine principale tandis que Fu Hao portait le titre de reine secondaire. Fu Hao était également la mère du prince Zu Ji. Les inscriptions sur os d’oracle montrent le souci de son bien-être au moment de la naissance.
Fu Hao, une fois générale en chef des armées, commande jusqu’à 13 000 soldats et gagne la plupart de ses batailles. Elle n’était pas la seule femme à servir dans l’armée durant la dynastie Shang, environ 600 femmes luttèrent avec elle.
Cette coupe en ivoire a été découverte dans sa tombe à Yinxu, l’un des sites archéologiques les plus anciens et les plus vastes de Chine, l’une des capitales historiques de la Chine et un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Yinxu est célèbre pour être la source originale des os d’oracle et de l’écriture sur os d’oracle, la forme la plus ancienne d’écriture chinoise.
La tombe de la reine Fu Hao, l’une des tombes royales de la dynastie Shang les mieux préservées et la seule à ne pas avoir été pillée avant les fouilles, a été découverte en 1976 et identifiée comme la dernière demeure de la reine et du général militaire Fu Hao. Des dizaines de milliers de reliques ont été exhumées de cette tombe. Cette coupe en ivoire est l’un de ces objets
Grande prêtresse
Les rituels religieux, les sacrifices aux dieux et les pratiques divinatoires jouent un rôle important à la cour, et Wu Ding en confie régulièrement la responsabilité à Fu Hao. Elle préside les cérémonies, prépare les offrandes et interprète les oracles : carapaces de tortue ou os de bœuf sont cuits au feu jusqu’à ce que se forment des fissures, qui sont ensuite interprétées. La méthode et le résultat sont ensuite gravés sur l’objet par le devin ; de nombreuses carapaces de tortue portant le nom de Fu Hao ont ainsi été retrouvées.
Ce rôle prestigieux de grande prêtresse et d’oracle est très inhabituel pour une femme à l’époque, et révèle le statut particulièrement élevé de Fu Hao à la cour. Un pouvoir et une influence qui ne s’expriment pas seulement à travers ce rôle religieux, mais aussi à travers un autre domaine crucial : la guerre.
Cheffe de guerre et cavalière
Les sources archéologiques révèlent que Fu Hao mène les troupes Shang lors de plusieurs campagnes militaires. Après des décennies de conflits sporadiques entre les Shang et les Tu-Fang, elle les défait en une seule bataille. Fine stratège, elle vainc également les Yi, les Qiang et les Ba ; sa victoire contre ces derniers reste dans l’histoire chinoise comme la première embuscade à grande échelle.
Fu Hao mène jusqu’à 13 000 soldats et compte parmi ses subordonnés des généraux influents tels que Zhi et Hou Gao ; elle est la générale Shang la plus puissante et la plus influente de son temps. Cette fonction militaire, associée à son rôle religieux, est attestée par les sources mais également par les nombreuses armes de guerre retrouvées dans sa tombe.
Fu Hao reçoit de son époux un domaine aux frontières de l’empire, qu’elle administre elle-même. Elle donne naissance à un fils, le prince Jie ; les sources oraculaires indiquent que la cour s’inquiétait de sa santé au moment de l’accouchement.
La tombe de Fu Hao
À la mort de Fu Hao, Wu Ding lui fait construire une tombe royale à proximité d’Anyang, la capitale des Shang. Retrouvée intacte en 1976, elle abrite le cercueil de la reine mais également seize squelettes, vraisemblablement des servant·es ou esclaves de la reine sacrifiés au moment de sa mort.
La tombe regorge de richesses et d’objets d’une qualité exceptionnelle révélant le statut particulièrement élevée de Fua Hao : 130 armes de bronze, dont de grandes haches de guerre, ensemble de 755 jades, pointes de flèches en os, nombreux objets de cultes, près de 7 000 cauris… La plupart des bronzes sont gravés du nom posthume de la reine : Si Mu Xin (Mère Xin).
Peut être que Fu Hao a inspiré la légende de Mulan qui sait. Un reportage très intéressant-pour comprendre les tablettes d’os oraculaires et surtout les fouilles d’Anyang : A voir ICI, d’autres reportages mais en anglais sont très intéressants. Je râle d’avoir raté une très belle émission sur Arte, j’espère qu’un jour elle sera à nouveau en ligne.
Jeannick
C’est qu’elle devait être destinée…..
Merci pour ce beau récit sur cette Reine .
La Bastidane
Merci d’être venue le lire Jeannick.
Christine
Tu es passionnante et passionnée
La Bastidane
Passionnée oui, intéressée beaucoup, passionnante je ne sais pas. Merci à toi de venir me lire.
mamillon du Luberon
merci, pour cette histoire, très ancienne, mais qui fait plaisir à lire, j’aime tellement la Chine ancienne, moins la Chine actuelle hélas, c’était une grande civilisation très ancienne, et c’est formidable de pouvoir remonter le temps,
La Bastidane
Merci d’etre venue la lire.
Fabienne
Merci pour ce partage très intéressant. Quel destin c’est fantastique. Avec toi Nathalie on voit du beau et on apprends bien des choses aussi.
C’est un plaisir de te suivre depuis toutes ces années.
La Bastidane
Je suis si heureuse de te lire et de ta fidélité, merci de ne t’être jamais lassée de mes petits riens, merci encore.