De sa silhouette frêle et pourtant pesante, son cabas au bout du bras, un cabas qui s’alourdit de halte en halte, à heure fixe, elle se penche aux pieds des arbres et ramasse son caillou, le caillou qu’elle a semé quelques minutes plus tôt, des cailloux doux et ronds comme ceux de la Durance. Elle s’assoit sur chaque banc pour reprendre son souffle, fatiguée, les yeux dans le vague, je la regarde faire, chaque banc est une halte, chaque racine de platane, un repère … j’ai mis un certain temps, à comprendre son manège, son rituel, déposer à chaque aller un caillou, le reprendre au retour. Peut être que seul, le Petit Poucet a laissé des empreintes dans sa mémoire, que seuls les contes de l’enfance sont ancrés en elle et chaque jour elle retrouve ainsi sa route pour rentrer chez elle, après avoir contourné l’église et peut être après avoir acheté son pain.
Ceci semble si improbable que je ne sais plus vraiment si j’ai inventé cette histoire, où si j’ai imaginé en voyant cette vieille dame ce triste héritage de l’âge, à ce moment donné où les défaillances du cerveau nous empêchent d’avancer. Ce dont je suis certaine c’est que demain je l’attendrai, et j’irai vérifier que les feuilles mortes n’ont pas enseveli son caillou.
A Pertuis, le 22 novembre 2016