Je ne peux m’en séparer, je ne peux les abimer, j’ai du mal à les transformer comme font certains créateurs, les défigurant en sacs, sièges, canapés ou animaux rembourrés. Ils sont la petite histoire, l’histoire populaire, les dames qui achetaient un canevas pour broder à petit point le soir devant leur télévision, c’est dans ma mémoire un pan de l’histoire. Ils valaient très chers, les fils valaient très chers, c’étaient l’art du peuple qui trônait dans le salon, l’art kitch, l’art de ceux qui n’avaient pas des toiles de maîtres, gloire de la maîtresse de maison, gloire aux heures de patience et à la grandeur de l’ouvrage. Je ne peux les abimer. Il me manque une boite, dans laquelle sont ceux de ma grand mère, je ne l’ai pas cherchée cette fameuse boite dans mon atelier, je la trouverai en temps et en heure.
Par ce message, je voulais remercier, Nathalie L (l’autre Nathalie L.) et Isabelle qui me fournissent de temps en temps, ma mère qui m’en ramène victorieuse de ses virées. Dans les vides greniers, ce sont eux qui me trouvent, je ne les cherche pas. J’ai quelquefois envie de m’y remettre en ce mouvement lancinant, régulier et besogneux de mon aiguille, de ces mouvements presque automatiques qui vident le cerveau des soucis du monde. Qui sait ? J’ai une dame à la licorne à terminer, une bonne boite remplies de retors, il faut juste que je regarde si mes fils existent encore chez DMC. Les retors comme je l’écrivais il y a quelques année, les retors en enfance (c’était en 2012, quand une fracture du bassin m’avait laissé alitée.) un jeu de mot un peu nul, mais qui racontent tout… parce que le canevas, c’est quand même le premier ouvrage que l’on met dans les mains d’une petite fille, avec l’énorme aiguille de plastique et des couleurs pétards. J’aime ma collection, qui s’agrandit au fur et à mesure sans que je m’en aperçoive.