Marin un jour, marin pour toujours, il suffit de peu pour que mon âme redevienne bleue, ou grise ou verte selon les humeurs des flots. J’ai glané sur la plage des trésors infimes, mon esprit s’envole, mes rêves s’entrechoquent, je rêve d’histoires d’amours, de capitaine aux longs cours, de départs, de retours, d’îles lointaines ou si proches, du goût du sel sur mes lèvres, je rêve en marchant dans la tempête, une téméraire se baigne, des enfants courent ou se balancent en regardant l’horizon, j’évite les vagues et respire les embruns, j’y suis heureuse. Dans mes jeux imaginaires, je tresse des colliers de posidonie, je crée des parures de coquillages pour des reines aux pieds nus, je tricote des pelotes d’algues, j’invente le destin funeste des bois flottés, usés et taraudés par les remous. Fait il froid ? Je ne sais pas, le vent d’Est souffle en un tourbillon incessant, le début d’un cyclone ou la queue d’une tornade, on ne sait plus très bien, d’énormes esquifs mouillent au large, il ne prendront pas la mer, pour l’Orient, pour là bas où le pétrole coule à flot, pour le pays des mille songes. Mille étoiles brillent dans le sable, perles de quartz et de micas, oraison funèbre pour les poissons et coquilles mourants, J’entre dans le café qui domine la grève, le maître des vents nous y accueille, il souffle doucement sur ces doigts, on s’y restaure, on s’y réchauffe, mais je m’enfuis laissant à table les frileux, je retourne à la grève, irrépréhensible besoin d’y courir, je suis la coureuse des grèves, je suis libre, je suis la glaneuse de rivages, je cultive les algues, je prends soin des poissons, j’affronte la houle, car je suis avant d’être un marin, jardinière de la mer. Amiral, la mer me manque, mais vous le saviez déjà.
Et puis ce bruit des vagues qui couvrent tous les bruits sans que nous en soyons conscients, il éteint tous les sons, comme il peut effacer tous chagrins d’une vie.
L’entendez vous.
J’aime la musique des vagues, la partition du vent, qui jouant dans les filins des bateaux compose une symphonie irréelle, j’aime le chant des mats.