Elle m’attendait dans un dépôt vente, ma « petite française », née après 1915, d’où son nom, dans les ateliers de faïencerie de Jules Verlingue à Boulogne sur Mer, ou après 1917 à Quimper. Le vendeur me l’a emballée dans un journal, comme un vieux poisson. Je l’ai débarbouillée, et nous avons fait connaissance, du haut de ses 33 cm, elle me regarde, elle a un grand fêle sur son visage, mais une poupée intacte est une poupée avec laquelle personne n’a jamais joué. Elle a des yeux dormeurs d’un bleu intense, Un corps articulé, dont les pieds sont montés en canard.
Alors, j’ai rêvé, son histoire, celle d’une petite fille qui avait du mal à marcher et dont le papa a remonté les pieds de sa poupée à l’envers pour qu’elle lui ressemble, pour que la petite fille s’apparente à sa poupée. J’ai rêvé d’une petite fille, un peu seule, dans un pays en guerre. De jolis vêtements faits mains, aux imprimés désuets, des noeuds rouges dans ses nattes, une robe de chambre, une culotte en coton rose, un panty tricoté et une robe de soie, si élimée, si souvent lavée que l’imprimé à petites roses à quasiment disparu, et les smocks brodés de perlés pastels se relâchent doucement …Elle était si soignée, cette poupée, si importante qu’elle a traversé les années.
Elle est jolie, cette demoiselle, et je pense que la petite fille qui l’a aimé, l’aimait vraiment beaucoup, elle a un oreiller de dentelle bordé, et une couverture rouge crochetée, pour les soirs où elles se sentaient tristes et isolées.
Il ne me reste plus qu’à lui trouver un nom …, elle en avait un sûrement peut être Violette ou Louise, Louise est un joli prénom.