Depuis la nuit à temps, à Pertuis, le vendredi c’est le marché, des lustres que je n’avais pas pris le temps d’y aller, parce que l’été il y a trop de monde, l’hiver, il fait froid, j’ai du travail ou je n’ai pas d’argent à dépenser …
Et puis vendredi matin, tout doucement j’ai pris mon courage à deux mains, j’ai affronté la dévalade à pied et je me suis promenée dans le vieux Pertuis.
Tout y est, comme avant, du temps de mon adolescence où je tannais ma mère pour « descendre » à Pertuis.
Je vois dans ma mémoire, les anciens discuter devant la graineterie de Monsieur Volpe, je regarde l’étal du chiffonnier, que sa marchandise a changé, c’est là que j’ai acheté il y presque trente ans mes plus belles dentelles, mon linge de maison brodé, mes chemises de grand père et mes vracs de rubans … aujourd’hui c’est si différent.
Les marchands de tissus sont de retour, je regarde de loin, le chausseur, il a vielli, moi aussi, il ne me reconnaîtra pas et pourtant il est toujours le même, ils sont là les anciens forains, certains ne prennent pas une ride et je suis là telle une étrangère un fantôme du passé, je flâne, le nez en l’air, à l’affût de la moindre odeur de mon enfance.
Saturnin le canard, s’est échappé et déambule sur la chaussée. Je le rattrape, toucher son duvet est un ravissement. Tout l’hiver, les nouveaux nés resteront chez eux pour ne pas avoir froid, et au mois de mars, une nouvelle couvée de canetons et de poussins, rejoindront peut être mon domaine des petits riens.
Je découvre un nouvel instrument de musique, le son est juste comme sorti d’un autre âge, un peu médiéval, un peu féérique, j’entends les ondes qui se propage dans l’air pur du matin, le handpan, mixage étrange d’une harpe et de clochettes extraterrestes, un brin mystique, le hang est rare, je suis heureuse d’en avoir écouté un.
Il y a les images qui m’ont toujours fait sourire, la rencontre immuable de la République et de la religion à l’angle de la rue Danton. Le foulard des dames musulmanes habitantes de toujours qui croisent les chapeaux de paille des vieux messieurs …
Je m’installe chez Thomas et je prends un café, le goût du pain au chocolat est totalement irréel, mes cinq sens à l’affût …. je suis chez moi.
Vendredi j’y retourne ….. c’est là qu’une de mes filles est née.