Oui c’est moi, sur cette carte postale de 1969, j’ai 6 ans, j’ai un foulard de vichy rouge sur la tête, et un maillot de bain jupette et je suis avec mon copain Jean, et on pêche les calembos. J’ai été prise en flagrant délit de liberté. Mes premières années de vie, de 1963 à 1971, je les ai passées dans ce port de pêche à Marseille, toutes les vacances, tous les week-end, c’était là, dans le port des Goudes. Mon père y avait un cabanon qui s’appelait « Les Amis », son bateau, une barquette marseillaise, on disait la barcasse, elle s’appelait « L’Amitié ». J’étais libre et heureuse, je faisais ce que je voulais. J’ai su nager en même temps que j’ai appris à marcher, mon monde se résumait au port, aux pêcheurs qui ramandaient les filets (j’ai toujours une aiguille), aux moules, aux arapêdes, aux gobies, et aux muges, je passais des heures à regarder les poissons dans le port, des heures à me baigner au trou (un petit coin de roches plates, où on pouvait se baigner à l’abri des rochers (j’ai appris que seuls les vrais de vrais, appelaient cet endroit le trou). Le bonheur c’était de partir tôt, à l’aube, avec mon père et son bateau, même si je vomissais avant d’atteindre la passe, l’odeur de gasoil du moteur était terrifiante, on accostait sur l’Ile de Riou ou celle de Tiboulen du Maïre, quelquefois on rejoignait les îles à la nage, on se baignait, on pêchait, on pique-niquait, on mangeait le poisson que l’on avait pêché, Robinson était mon frère, je passais toutes mes vacances en maillot de bain. Il y avait aussi le « grand » fort de pierre, où j’imaginais des princesses et des pirates, il ne reste que des pierres.
Mes autres bonheurs étaient de me rendre chez les épicières, deux soeurs jumelles qui paraissaient avoir 100 ans, je ramenais des bouteilles de Pschitt ou de Phoenix, et je récupérais l’argent de la consigne pour m’acheter des bonbons.
Les seuls désespoirs, mon seul chagrin, c’était quand je trouais mon salabre, et que ma mère le réparait.
A la nuit tombée, je me souviens des lampions et de flambeaux sur les bateaux, du chant des cornes de brume, je ne sais plus pour quelle fête, je me souviens, aller voir les thons que les pêcheurs ramenaient, ne pas le voir tellement ils étaient gros, je me souviens des carnavals nautiques, je me souviens de soirées pizza chez Paul, où dans la grande marmite mijotait la sauce tomate, c’était mon enfance tout simplement.
La rue du cabanon, ou plutôt la ruelle qui me semblait immense, s’appelait la rue du Louvre, par l’escalier au bout de la rue, je rejoignais la plage par le sentier, en cueillant les fleurs des doigts de sorcières et de cistes. Maintenant il y a un villa et une grosse barrière, en haut des escaliers.
Je me souviens du cheval et de sa charette qui venaient chercher les tinettes pour ceux qui n’avaient pas de toilettes, le tout à l’égout n’était pas encore arrivé jusque là. Je me souviens de ma première nuit blanche ou presque, un certain 21 juillet de l’année 1969. Je me souviens du marchand de glace, non pas des glaces à manger, les gros blocs de glace pour mettre dans les glacières, la fée électricité est venue bien après dans chaque cabanon.
Vendredi j’ai rencontré des vieux messieurs prenant le soleil, à l’abri du vent au creux de la jetée. Ils ont discuté avec moi, certains ont connu mon père et ses copains, d’autres me disaient que c’était invivable l’été, que ce n’était plus comme avant, que les « estrangers » se permettaient tout et étaient très snob. Je n’en doute pas, mes parents ont vendu cabanon et bateau lorsque les touristes nous ont envahis et ça ne date pas d’hier.
Les Goudes sont devenus très prisés, c’est très chic là bas maintenant, très bourgois bohème, enfin presque, il reste quelques cabanons préservés, celui de monsieur Jouvin par exemple et un jeune homme d’une quarantaine d’années avec qui j’ai taillé la bavette, son bateau était en carénage, on a parlé de mon Marseille, il m’a parlé de sa Corse.
Je suis allée jusqu’au Cap Croisette, la Baie des singes, et j’ai mangé une pizza chez Paul, elles ont toujours le même goût, le goût du bonheur. J’y retournerai encore, en hiver et par temps de Mistral, la mer y est si belle, les mouettes, les goélands et les cormorans y sont si bavards, ça me manque, mais je ne suis pas triste, j’y ai été si heureuse, et surtout si libre.
Je suis invitée à nettoyer le port au mois de juin.
mamillon du luberon
voilà le Paradis que nous avions laissé dans les années 1970, nous commencions à être « envahis », alors on a tout laissé, le cabanon, le bateau, et nous sommes « montés » au pied du Luberon, à nouveau le bonheur, 240 habitants, un petit village de viticulteurs, …des habitants chaleureux et accueillants mais hélas, nous devons être un peu maudits. il n’y avait pas d’autoroute pour venir de Marseille, une expédition………., mais un jour » la modernité » est arrivée, et voilà, nous sommes 850 habitants, on ne se connait plus, tout est bétonné, parking à tout va, sens interdit, bref, la totale. heureusement nous sommes encore un peu « isolés » dans nos terres….et loin du village, mais c’est triste, un village mort, mais nous allons essayer de tout changer et faire revivre notre village, je suis trop âgée pour m’isoler encore plus loin…. mais si j’avais des années en moins, je serais à nouveau partie
flo
Que de bleu ! C’est superbe !
Carole
On!!!!! Un voyage dans la magie de l’enfance dans un coin de pays qui est tellement lumineux et magnifique! Merci de me faire voguer sur tes jolis souvenirs
monique vincent
merci pour la ballade et le partage de tes souvenirs
lamichbrod
nostalgie, « belle âme » tu en as eu de la chance dans ta petite enfance, que de beaux souvenirs dont tu nous fais profite, moi, de Marseille je ne connais que la gare St Charles et le port pour embarquer via la corse (ou j’aimerais tant retourner, mais comme toi je ne reconnaitrais plus le cabanon de la plage nommé l’isoleile ,si mes souvenirs sont exacts)
Matistsat
Ah la fée de la photo … la nostalgie de nos enfances … mais sous le ciel bleu des Goudes, ce devait être un chouette paradis … merci pour ce très beau reportage …
Ella
merci merci
de belles photos …et du pays de ma mère !
et quand je vois la sortie de l’autoroute sous la Major !
Mais Les temps changent
Nadine G
Merci pour la belle et délicieuse promenade. Le ⛅ me change de la pluie et du froid actuellement. Je vous ai retrouvé sur les petits riens avec grand plaisir. Bisous
Annie de Laragne
Je vis à la montagne et j’aime cela … Mais je réalise que la vue de la mer me manque … Merci pour ce magnifique reportage …
corinne74
c’est un enchantement que de vous lire et admirer vos ^photos
corinne74
Roselyne
Que c’est beau !
Dans les années de mon enfance où nous habitions Marseille au gré d’une mutation paternel (1964-1968) je suis allée une fois aux Goudes. A l’époque nous n’avions pas de voiture et c’est dans l’auto d’un oncle et d’une tante jeunes mariés venus nous rendre visite que nous y sommes allés (à 6 bien serrés dans une Simca 1000 ! ). Plus de 50 ans après je me souviens de l’émerveillement en voyant ce petit (à l’époque) endroit un peu hors du temps. Et je garde ce beau souvenir parce que je n’y suis jamais retrournée et que je ne suis pas trop tentée de le faire ou alors en hiver (je suis une sauvage !)
Merci pour ces confidences enfantines et pour ces très belles photos.
Roselyne