Il

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DSC_0196Chaque dimanche, après avoir acheté son pain et récupéré les derniers potins du village sur le marché, assis sur le banc du Sénat du village (ce banc où les anciens papotent en détaillant chaque passant, en refaisant le monde, commentant l’actualité, les récoltes et temps qu’il fera),  il plantait sa Kangoo devant le portail, klaxonnait.  Il s’extirpait difficilement de sa voiture la laissant au milieu,  il posait sa canne n’importe où et il s’installait dans mon salon.  Il s’asseyait et me demandait, c’est l’heure du pastis ? Je lui répondais inexorablement, c’est un peu tôt, Papa, et de sa voix forte, il me répondait, oui tu as raison, fait moi un café.

Quelquefois, il ne me trouvait pas, j’étais dans la remise ou à l’étage, et il hurlait, Tu es oùùùùùùùù …. retournant klaxonner dans sa voiture. Ou à son grand désespoir, il me trouvait devant l’ordinateur … « mais qu’est ce que tu peux bien faire là dessus ? » Des petits riens Papa, des petits riens ….

Il s’asseyait, buvait son café, que je lui servais dans une « vraie » tasse en porcelaine avec une sous tasse. Un mug ? Jamais de la vie ! Une tasse épaisse en céramique, l’horreur ! « Tu ne vas me servir un café, dans un pot de chambre, c’est tellement épais, ça ressemble à des rebords de pissadou (cuvette de wc en provençal ) », et alors, en buvant son café,  il  me racontait les dernières nouvelles médicales de ses copains, et j’avais appris que quand quelqu’un était bien malade, c’est qu’il était à l’article de la mort, nous sommes pudiques dans le Midi, surtout avec la dame à la faux. Il prenait un de ses  bonbons à l’eucalyptus comme on fume une cigarette, cherchait inlassablement ses clés, qu’il avait laissé sur la table, et oubliait sa canne sur la terrasse.

Il râlait bien sûr, tu n’as pas encore fait ton ménage ? Tu viens manger à la maison ? Comment ta mère n’a pas prévu ? Tu n’es pas encore prête, douchée, habillée ? Ca change quoi que c’est dimanche ? Ton mari s’est occupé des chevaux ? Ou bien pire encore  … Donne moi 1 euro pour mon pain, j’ai oublié mon porte monnaie à la maison et si je retourne, ta mère va me dire que je n’ai pas de tête, je pars un peu « en couille » quelquefois. Alors, complice, j’avais un bocal dans ma cuisine, avec des petites pièces, au cas où il aurait oublié son porte monnaie.

Tout ça pour dire, que chaque moment est souvenir, chaque moment est propice à la nostalgie, chaque instant me rappelle ces petits riens là qui faisaient de mes dimanches matins, un rituel. Pourquoi n’ai je jamais pris en photo cet instant là ?

 

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6 Responses

  1. Sandrine

    Tu n’as pas pris de photos car tu ne pensais pas que ça s’arrêterait…. Il te reste tes souvenirs. des petits riens qui sont les plus beaux.

  2. Christa

    Parce que nous n’en avons pas besoin. Trente ans, 6 mois ou hier, peu importe. Ces souvenirs, ces visages ne d’effaceront jamais. Ne dit-on pas que « ne meurent que ceux que l’on oublie »?
    D’ailleurs votre photo résume bien ces instants. J’aime beaucoup le papillon de la tasse…..
    Bonne soirée.

  3. annie56

    pas de photos? pas la peine , vous en avez plein le cœur !!!! mon papa est parti faire un long voyage depuis 49 ans et j ‘ai des souvenirs pleins la tête !!

  4. yanne

    Que de doux moments. … moi j’ai des souvenirs avec mon papa quand il mettait un peu de vin dans son fonds de soupe et faisait chabrot…
    Ou quand il faisait le pain grillé et un bon chocolat chaud le dimanche matin…ou le soir il sortait sa mirabelle (de ses arbres et portées au bouilleur de cru du village) . …
    Et à mon grand plaisir, les enfants ont celui là aussi. ..et d’autres bien sûr. ..

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