Rien ne remplace l’épicerie d’un village, du plus loin que je me souvienne, elle est là au même endroit, en 1972, je vais y acheter des bonbons quand ma grand mère me donne 100 francs (1 franc, elle parlait toujours et encore en anciens francs), et je dévalisais la boutique.
Les épiciers et les épicières se sont succédés depuis l’époque des malabars et des roudoudous, les francs sont devenus nouveaux, puis euros, maintenant c’est Julie qui nous invite dans mon village. J’aime y entrer, y découvrir les jolies mots qu’elle a inscrit sur les ardoises, j’aime savoir le plat du jour qu’elle a minutieusement préparé pour les solitaires du village, qui n’ont pas tous les jours envie de cuisiner. J’aime m’installer à sa table dehors, fumer une cigarette en discutant, et je regarde les habitants venir y prendre leur pain.
Rien que le mot épicerie fait rêver, qui s’y attarde sur ce mot aujourd’hui, plus personne, un petit mot rien qu’un mot simple, et pourtant c’est de la poésie, et plus personne ne cherche la poésie des mots dans la vie quotidienne. La boutique aux épices, … Chez Julie, les fraises, les courgettes et les tomates anciennes toutes boursouflées de bonheur sont parfumées, elles n’ont pas le goût de la serre, elles ont le goût du Luberon, et de la terre où elles ont poussé. Chez Julie, la bière est de chez nous aussi, un sanglier orne la bouteille. D’ailleurs, ils sont venus boire la nuit dernière dans le bassin à poissons rouges, les sangliers, en horde, ils sont descendus de la montagne, il fait si chaud. J’ai acheté une bière, et j’ai bu ce breuvage étrange, un rien ancestral, presque gaulois, un rien magique, à l’ombre de la treille, et j’ai planté des simples. Parce qu’ici on ne sait pas cuisiner sans les plantes. Une soupe au pistou et un petit farci s’annonce pour ce week end.
D’ailleurs ce matin, avant de partir de travailler, je passerai me prendre un plat cuisiné, aujourd’hui je fais journée continue au travail, parce que c’est ça aussi l’épicerie, on est si loin des burgers.
Si cet été vous passez dans mon village, n’hésitez pas à rendre visite à Julie, je vous assure, c’est bien plus qu’un épicerie, c’est un lieu propice à l’imaginaire. Et tant qu’il y aura des épiceries dans les villages, nous seront encore vivants.
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