Un journée hors du temps, avec Cécile
Une journée à l’ombre des roulottes qui ont vécues, qui ne se sont pas éteintes à la mort de leur propriétaire, et je crois qu’ils étaient encore là à la lueur du crépuscule … discrets mais si présents.
Je les ai entendus fabriquer les paniers, de l’osier glané au fil des routes …
Je les ai vus se réchauffer à la lueur malingre du poêle
J’ai entendu Juan taper inlassablement de son vieux marteau, sur le cul des casseroles pour les étamer ….
Je l’ai entendu réparer le vieux chaudron de cuivre qui sert aux confitures …
Soulever son chapeau pour s’essuyer le front de son grand mouchoir ….
J’ai vu les enfants courir pieds nus, avec les chiens, avec les poules …. ramasser le petit bois pour le feu du soir, j’ai entendu les chevaux hennir, un tzigane sans cheval n’est plus un tzigane.
J’ai vu les merles moqueurs annoncer de leurs trilles perçantes l’heure du départ du convoi.
J’ai vu Manu repeindre la roulotte de couleurs approximatives, de fonds de pots de peinture offerts au hasard des chemins …
Je l’ai vu réparer l’essieu cassé, et entendu pester …
J’ai eu froid j’ai eu chaud, j’ai eu mal, j’ai eu peur,je suis allée chercher de l’eau pied nus dans la campagne …ployant sous le fardeau, sous un soleil de plomb, sans l’ombre d’un arbre pour me protéger.
J’ai vu en passant Louis se raser à sa fenêtre ne laissant que ses grandes moustaches soigneusement peignées ..
J’ai cherché un fauteuil confortable oublié …. pour reposer mes muscles endoloris. J’ai vu Maria, la grand mère s’asseoir enfin aux marches de sa roulotte et sortir sa vieille pipe culottée pour fumer et raconter aux enfants qui s’approchaient les légendes qui ne seront jamais écrites.
J’ai vu les enfants courir les champs, fiers de leur école du vent… rire aux éclats, se chamailler, travailler déjà, aider les grands
J’ai vu les femmes crocheter … crocheter l’arc en ciel sous le regard de Cécile, donnant conseil et guidant le fil
Et le soir venu, j’ai vu les hommes prendre leur violon … égrenant une mélopée triste, qui brise les âmes, les rendant mélancoliques à jamais, inexorablement à la recherche de cet éternel paradis perdu.
Et j’ai vu mes mains ne supportant plus l’inactivité, attraper un crochet et un morceau de fil, je les ai vu, répêter le geste ancestral transmis par mes grands mères, celui de faire à ses enfants un couverture pour qu’ils n’aient pas froid ….
J’ai rêvé d’une gardianne de taureau, d’une brouillade, d’un civet de lièvre, d’un pot au feu, ou d’anguilles au vinaigre (surtout pas de niglo)…. je n’ai eu qu’une kefta pas assez cuite, pas très exotique ni très méditerranéenne pour quelqu’un qui vient de passer quelques années au Moyen Orient, mais bon on ne peut pas tout avoir ;-) De belles roulottes dans leur jus, rencontrer ses amis, passez une merveilleuse après midi dans une ambiance fabuleuse quasiment magique, il parait qu’on ne peut pas tout faire, collectionner des roulottes, les rentabiliser et être un excellent cuisinier.
J’ai aimé cette journée, hors du monde, où j’ai rencontré les ombres du passé, celles d’ancêtres improbables qui m’ont accompagnés dans la rudesse et la pauvreté d’une vie nomade, moi la fille du vent la gadji un peu bohémienne qui ne sait jamais où sa route l’aménera, eux les enfants du voyage.
“Qui voyage beaucoup, apprend beaucoup.” (Proverbe Rom).
Merci Cécile pour ce jour exceptionnel qui restera gravé dans ma mémoire et dans celle de mes filles. Merci d’avoir pu t’embrasser et embrasser Laurence comme si les distances n’avaient aucune importance.
Merci.
« L’or des gitans ne brille ni ne tinte. Il luit dans le soleil et hennit dans l’obscurité. »
Dicton des gitans claddagh de Galwa
Photos prises au musée Un Siècle de Roulotte
Groupe Alerto Jazz, fabuleux à découvrir sans tarder, de merveilleux musiciens