Dis leur que tout est bon des ciguës et des ronces
Qu’il a suffi de ton amour pour tout changer.
René Yves Cadou – Poésie
Hier j’étais un peu triste, mais un peu seulement, de ne pas avoir fêté la Saint Patrick par manque de Guiness, ça vous fait sourire je suppose, mais je n’allais pas affronter la horde dans les supermarchés juste pour deux canettes. C’est une fête celte à laquelle je ne déroge jamais, mais situation de guerre bactériologique oblige, on s’en passe. Alors ce matin je suis allée dans le jardin, et la terre m’a fait un cadeau pour me consoler, je n’avais jamais vu de trèfles aussi gros de ma vie, je me demande bien ce que les chevaux en pense, je suis allée les avertir, à l’oreille, j’aime leur parler. J’ai écrit aux dames de la broderie, si elles ont besoin de moi, je serai présente. Et puis je suis rentrée dans mon atelier j’ai retrouvé mon cahier d’inspiration, et mes croquis et feuilles fanés et puis j’ai brodé un trèfle, à chaque jour suffira sa peine, chaque jour sera le jour d’après, sans imaginer demain. Avec une immense pensée à ceux qui sont dans la peine, ceux qui affrontent cet ennemi invisible chaque jour, dont mon mari. Ca ne fait que commencer.
Oui c’est moi, sur cette carte postale de 1969, j’ai 6 ans, j’ai un foulard de vichy rouge sur la tête, et un maillot de bain jupette et je suis avec mon copain Jean, et on pêche les calembos. J’ai été prise en flagrant délit de liberté. Mes premières années de vie, de 1963 à 1971, je les ai passées dans ce port de pêche à Marseille, toutes les vacances, tous les week-end, c’était là, dans le port des Goudes. Mon père y avait un cabanon qui s’appelait « Les Amis », son bateau, une barquette marseillaise, on disait la barcasse, elle s’appelait « L’Amitié ». J’étais libre et heureuse, je faisais ce que je voulais. J’ai su nager en même temps que j’ai appris à marcher, mon monde se résumait au port, aux pêcheurs qui ramandaient les filets (j’ai toujours une aiguille), aux moules, aux arapêdes, aux gobies, et aux muges, je passais des heures à regarder les poissons dans le port, des heures à me baigner au trou (un petit coin de roches plates, où on pouvait se baigner à l’abri des rochers (j’ai appris que seuls les vrais de vrais, appelaient cet endroit le trou). Le bonheur c’était de partir tôt, à l’aube, avec mon père et son bateau, même si je vomissais avant d’atteindre la passe, l’odeur de gasoil du moteur était terrifiante, on accostait sur l’Ile de Riou ou celle de Tiboulen du Maïre, quelquefois on rejoignait les îles à la nage, on se baignait, on pêchait, on pique-niquait, on mangeait le poisson que l’on avait pêché, Robinson était mon frère, je passais toutes mes vacances en maillot de bain. Il y avait aussi le « grand » fort de pierre, où j’imaginais des princesses et des pirates, il ne reste que des pierres.
Mes autres bonheurs étaient de me rendre chez les épicières, deux soeurs jumelles qui paraissaient avoir 100 ans, je ramenais des bouteilles de Pschitt ou de Phoenix, et je récupérais l’argent de la consigne pour m’acheter des bonbons.
Les seuls désespoirs, mon seul chagrin, c’était quand je trouais mon salabre, et que ma mère le réparait.
A la nuit tombée, je me souviens des lampions et de flambeaux sur les bateaux, du chant des cornes de brume, je ne sais plus pour quelle fête, je me souviens, aller voir les thons que les pêcheurs ramenaient, ne pas le voir tellement ils étaient gros, je me souviens des carnavals nautiques, je me souviens de soirées pizza chez Paul, où dans la grande marmite mijotait la sauce tomate, c’était mon enfance tout simplement.
La rue du cabanon, ou plutôt la ruelle qui me semblait immense, s’appelait la rue du Louvre, par l’escalier au bout de la rue, je rejoignais la plage par le sentier, en cueillant les fleurs des doigts de sorcières et de cistes. Maintenant il y a un villa et une grosse barrière, en haut des escaliers.
Je me souviens du cheval et de sa charette qui venaient chercher les tinettes pour ceux qui n’avaient pas de toilettes, le tout à l’égout n’était pas encore arrivé jusque là. Je me souviens de ma première nuit blanche ou presque, un certain 21 juillet de l’année 1969. Je me souviens du marchand de glace, non pas des glaces à manger, les gros blocs de glace pour mettre dans les glacières, la fée électricité est venue bien après dans chaque cabanon.
Vendredi j’ai rencontré des vieux messieurs prenant le soleil, à l’abri du vent au creux de la jetée. Ils ont discuté avec moi, certains ont connu mon père et ses copains, d’autres me disaient que c’était invivable l’été, que ce n’était plus comme avant, que les « estrangers » se permettaient tout et étaient très snob. Je n’en doute pas, mes parents ont vendu cabanon et bateau lorsque les touristes nous ont envahis et ça ne date pas d’hier.
Les Goudes sont devenus très prisés, c’est très chic là bas maintenant, très bourgois bohème, enfin presque, il reste quelques cabanons préservés, celui de monsieur Jouvin par exemple et un jeune homme d’une quarantaine d’années avec qui j’ai taillé la bavette, son bateau était en carénage, on a parlé de mon Marseille, il m’a parlé de sa Corse.
Je suis allée jusqu’au Cap Croisette, la Baie des singes, et j’ai mangé une pizza chez Paul, elles ont toujours le même goût, le goût du bonheur. J’y retournerai encore, en hiver et par temps de Mistral, la mer y est si belle, les mouettes, les goélands et les cormorans y sont si bavards, ça me manque, mais je ne suis pas triste, j’y ai été si heureuse, et surtout si libre.
Je suis invitée à nettoyer le port au mois de juin.
Il y a vraiment longtemps que je n’avais engagée une folle poursuite avec ma Clio et le bus scolaire, et celà m’a permis de passer par un petit chemin que je prends rarement (chemin sans trottoir évidemment ou pas encore). Et là le miracle absolu ….. ILS SONT EN FLEURS …. Qui ? Quoi ? Donc ? Où ça ? Mais les amandiers mazette, les AMANDIERS, les amandiers du chemin de Mirail , coups de canon, trompettes, clairons, crions, criez, hurlons …. ILS SONT EN FLEURS. L’hiver est en train de céder la place petit à petit à ce printemps que j’attends tant. Un jour, je ferai une grande fête en leur honneur, et ça sera encore mieux que le O-Hanami au Japon, oui, oui je te le dis, et fait moi confiance, ça organiser je sais faire.
J’ai été muette, des virus hivernaux m’ont dévastée et épuisée durant quelques semaines, mais je suis là et je vais bon train (je sais que tu t’en fous de ma santé, mais perso, ça m’intéresse un peu), j’en ai profité pour faire du ménage, dans mes contacts, dans mon atelier, dans ma tête. J’en ai profité pour créer également des « Chut ! » dont je te parlerai rapidement.
Hier encore je me posais des questions métaphysiques, genre …. « En fait, je publie moins parce que je suis un peu dans une phase de réflexion, j’ai l’impression que tout ce que je montre en création se verra ailleurs, à un moment donné, j’ai l’impression de ne pas sortir de l’ordinaire. Il y a des créations que j’ai faites il y a plus de deux ans et que je n’ai pas encore montrées, j’attends que la mode arrive, j’ai toujours un peu d’avance ou trop quelquefois. Ce n’est pas facile. Mes petits riens me manquent et en même temps, j’ai l’impression d’être banale, terriblement banale, si je photographie mon atelier, le risque de voir les mêmes objets sur un blog ou IG quelques jours plus tard est quasi certain. Voilà je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire. En gros, je laisse les autres s’engouffrer dans la place, ai-je tort ? Ai-je raison ? C’est le grand dilemne .. »
Tu vois un peu la prise de tête quoi … en fait on s’en fout de tout ça et merci de me l’avoir fait comprendre. Alors la seule nouvelle d’importance c’est que les amandiers sont en fleurs. Que le cabanon de Pépé Fouques est encore à sa place, malgré l’urbanisation forcée du village et que je n’ose retirer la guirlande solaire qui ne fonctionne plus de la treille, les mésanges s’en servent de balançoire, et ça me fait sourire ….
Bon début de semaine, je ne le dis pas trop fort parce que tu vas le croire, mais tu m’as manqué toi qui me lis.
(Je fais comme les Stars, je me fais des Comeback warfffffff)
Es tu déjà entré dans un champ pris par le gel, lecteur ? C’est un instant hors du temps, tout semble s’être arrêté. Ce matin, la campagne était entièrement blanche, comme si dans la nuit quelque chose avait figé la vie. C’est ce moment de douceur et de tranquilité où tu a l’impression qu’il ne fait même pas froid, le thym, le romarin ne sont plus reconnaissables, les gouttes d’eau de la pluie d’hier soir se sont solidifiés en des perles étranges. Je regarde chaque minuscule brin d’herbe qui se pare de cristaux. J’ai dégelée à l’eau chaude, les bassins et l’abreuvoir aux oiseaux. Je me sens infime face à la force de la nature. Je me sens toute petite face à sa créativité. Et j’ai pensé à ce monde autour de moi qui est à feu et à sang, j’ai pensé à l’Australie, à l’Iran à l’Irak, j’ai pensé à la misère humaine, et j’ai surtout pensé à sa bêtise, à l’ego idiot de quelques méchantes vieillissantes, et j’ai souri, j’ai souri, parce que dans ce monde tourmenté, la seule chose qui est possible pour survivre c’est le rire .. il faut rire de tout, et ne vous prenez pas trop au sérieux quelquefois on en meurt et comme dit Milan Kundera « Mais qu’est que « être sérieux » ? Est sérieux celui qui croit à ce qu’il fait croire aux autres » …. bon week end à vous.
PS / Je sais lecteur, je t’ai déjà fait des photos du gel et des poules, mais que veux tu, je ne m’en lasse pas, et puis un petit rien sur le nettoyage des pisses du vieux chat gâteux et incontinent, ce n’est pas forcément porteur … et oui il ne faut jamais se fier à l’apparence, la vie des uns n’est pas forcément meilleure que celles des autres, quelquefois l’art du cadrage … fait tout.
Je me suis installée pour broder, avec les sablés d’Alice, je n’avais jamais mangé Vegan de ma vie, comment faire des gâteaux sans lait, sans oeuf, sans miel, sans beurre, sans aucune matière animale ….. elle y arrive, et ils sont trop bons, je vous le dis. Le bonheur de se mettre à travailler avec un bon café, des sablés à la cannelle et surtout les mésanges charbonnières qui piaillent au dessus de ma tête, un véritable petit rien dans un beau dimanche ensoleillé. Merci Alice. PS : Faut que je fasse les vitres ….
J’avais encore du rangement à faire avant de me mettre réellement à travailler, les jésus de cire on trouvé leur place, et puis je voulais te montrer mon cadeau de Noël, tu sais que je ne montre que très rarement mes cadeaux, mais là, deux bobines anciennes de fil d’or, un argent, un or rose qui viennent de chez Claude Le Guen à Dinan, la maison Bleu Lin, j’ai une affection particulière pour Dinan et Claude le sait, je suis heureuse de mes fils, et si vous avez le temps, passez sur son Instagram c’est ICI, j’aime son monde, il ressemble tellement au mien.
J’ai terminé mon ménage et mes rangements, et maintenant il n’y a plus qu’à …. je t’attends l’année 2.0 ….
Je suis allée vous cueillir du gui ce matin, il n’y en aura pas, il n’y a pas de fruits sur le rameau, alors je l’ai laissé dans l’arbre. Un véritable hiver de Provence m’attendait, un ciel pur et bleu, une lumière qui n’a aucune équivalence de par le monde, une lumière qui vous attrape et vous enveloppe et qui vous donne envie d’avancer. L’année 2020 sera votre année, car c’est vous qui en ferez ce qu’elle sera … j’ai envie d’une année paisible et douce pour moi, car j’ai envie de douceur et de paix, créative aussi.
Pour 2020, je vous souhaite de ne pas être éblouis par ceux qui brillent, je vous souhaite de cotoyer des personnes qui vous éclairent … le reste n’est que superficiel, paillettes et dorures. Je vous souhaite tout simplement d’être heureux.
Les derniers jours de l’année, on les vit toujours un peu dans une bulle d’attente, on attend, on ne sait pas trop quoi mais on attend. Comme si une seule seconde dans le temps allait balayer toutes les saloperies du monde. Il y a exactement 20 ans, un copain m’a dit, tu sais le 1er janvier 2000, je pisserai debout, enfin je l’espère si je ne suis pas trop bourré, ce qui veut dire que rien ne changera demain, si vous vous ne changez pas.
Je vois que l’heure est au bilan de partout, j’ai toujours détesté les bilans :-) Je préfère regarder devant moi plutôt que derrière. Mais ce que je sais, c’est que demain nous serons encore et toujours une famille créative, Monsieur a fabriqué pour moi une mangeoire pour les oiseaux du ciel avec le couvercle d’une ancienne machine à coudre, il a crée également un nichoir pour mes mésanges, mes collections imposantes servent enfin à quelque chose. Depuis que nous avons construit mon atelier sur leur nid, elles étaient un peu désemparées. Ca a l’air de leur plaire, la découverte d’un nouveau chez elles, j’aime les oiseaux du ciel.
Hier et ce matin, je suis allée dans le champs, les fleurs, les bourgeons, les herbes se sont pailletés de givre, c’est beau, ça donne des envies de contes de fées et de magie, j’ai fait le tour, le mimosa est prêt à éclater, les juments pataugent encore un peu dans la boue, les chats et les poules m’accompagnent. Il fait froid, mais les inondations semblent terminées pour l’instant, un instant de répit et de ciel bleu, dans ce monde où tout ne semble que ridicules surenchères, les gens qui font toujours mieux que vous, ceux qui ne peuvent vivre sans le regard des autres, ceux qui veulent toujours plus, ceux qui s’inscrustent pour profiter, ceux qui ne vivent que pour l’apparence, alors à ceux là, je leur dis …. vous ne serez jamais heureux et c’est dommage …
Alors pour ce soir, je vous souhaite, que vous soyez seul ou en famille, isolé ou avec des amis, que vous soyez dans la peine ou heureux, je vous souhaite juste de vous aimer et de prendre soin de vous, la vie est un présent inestimable.