« Pour faire un jardin, il faut un morceau de terre et l’éternité » – Gilles Clément
Curieux dans le soir tombant, ils nous ont regardé, nous soutenant dans notre étrange activité.
J’avoue que les petits riens sont un peu difficiles à éditer en ce moment. Peut être parce que je ne vois rien de beau dans tout ce qui m’entoure. Ces quinze jours qui sont si longs à passer entre les deux tours de la présidentielle, je me demande comment on les appellera dans l’Histoire, les quinze honteuses, je crois. Déferlement de propos haineux, racistes, homophobes, opportunistes, attaques malsaines tant au point de vue de la politique qu’au point de vue personnel, sont ahurissants d’horreur. Je lis les commentaires dans la presse, les écrits sur les réseaux sociaux, je vois des hordes inhumaines déferler leurs flots de rage sans plus aucune inhibition en des mots à l’orthographe incompréhensible, tel le malade psychiatrique qui n’a plus aucune retenue, aucune culture, aucune éducation, relégué au rang d’aliéné par un immense ego identitaire, renvoyant la faute de ses échecs personnels et souvent professionnels sur un bouc émissaire dans une psychose paranoaïque et démentielle. L’histoire se repète-t-elle ? Je ne sais pas, je n’en sais rien, et ce n’est pas moi, petite goutte d’eau du torrent qui possède les réponses.
Ca me fatigue tout ça, ce qui me fatigue le plus c’est de voir l’homo dit sapiens qui continue son petit bonhomme de chemin, refusant la raison, refusant de laisser une seule chance à la paix.
Je me recroqueville et je vais continuer à lire, lire et relire les livres qui ont fait de moi ce que je suis, de Voltaire à Hugo, d’Aragon à Eluard, de Druon à Kessel, de Simone de Beauvoir à Françoise Giroud, d’Alexandra David Neel à Rabelais et tant d’autres encore, je vais les relire et les faire lire à mes filles parce que rien ne pourra m’arrêter tant que j’aurai des livres. Et tout ce qui m’a fait grandir, tous ces grands hommes, mes professeurs, mes chefs, mon père, tous ces gens qui m’ont aidé à me construire, seront toujours à mes côtés, rien ne pourra arrêter cet immense souffle de liberté qui m’a fait toujours avancer.
Elle est arrivée pour le solstice de Printemps, je crois, elle s’est installée dans la cabane de Pauline, un peu nue à mon humble avis, mais peu de temps pour lui faire une robe de soie verte perlée et brodée. On y a passé le dimanche ensemble à la créer … elle se cache au creux des roses, et le jour elle s’accroche dans le lierre, surveillant les chats qui s’approchent trop près d’elle, soufflant, crachant comme un petit animal. On ne désespère pas de lui apprendre notre langue bien qu’elle sache déjà parler aux oiseaux, aux tortues, et aux poissons. Elle râle d’être nue, et s’endort à la belle étoile en s’enveloppant dans les herbes folles du jardin, elle est minuscule, elle n’a pas de nom pour l’instant, et deux amies en préparation. C’est ça d’être dingue des poupées, on les customize, on les démaquille, on les créé, on les fait naître et on se prépare pour la fête de Beltaine.
Doucement cotonneux, les oiseaux s’égosillent, le soleil levant évapore doucement la rosée, au loin les chiens s’interrogent sur cette dingue en pyjama qui parcourt les vignes, un appareil photo à la mains, les oiseaux se racontent leurs rêves de la nuit dans un concert improvisé … il fait doux enfin, paradoxe amusant, Avril vient d’avoir un an. Je vide ma tête des soucis, je nettoie ma mémoire, je fais un reset pour mieux reprendre ensuite, pour mieux recommencer. Je ne veux pas que le monde prenne le dessus sur moi, je me recentre, j’essaye, j’en ai besoin. Aujourd’hui dimanche électoral, je lis la presse du coin de l’oeil, j’écoute les discours d’une oreille distraite, comment peut on être si sûr de sondage en sondage, qui d’un candidat pourra être au deuxième tour ? Je suis toujours ébahie de leurs sciences inexactes. Nous sommes seuls dans l’isoloir, et personne ne sait d’un humain à l’autre, le choix intime, et le combat qui s’y joue … pour influencer peut être un électorat peu enclin à la réflexion ? Je n’en sais rien et je m’en moque un peu. Demain sera un autre jour, et je ne peux imaginer un peuple sans démocratie.
Belle journée à vous, bon dimanche.
En ce week end électoral …
Sur mon marché, je suis aux anges, les couleurs que j’affectionne le beige et bleu, les couleurs poudrées vont bon train, je me trouve très tendance ces temps ci, et puis il y a les indigos d’Henriette que j’aime tant, ce bleu profond et majesteux dont elle couvre ses paniers. J’ai vagabondé le temps que la faim m’assaille, pour ma pause déjeuner, j’ai repéré les poules et les bébés canards pour le futur poulailler. J’ai regardé les verveines en fleurs, et je me suis doucement glissé dans des rêves aux couleurs Laura Ashley. Je n’ai rien acheté .. juste le plaisir de voler des photos. Et une jeune fille a bien voulu poser pour nous, pour Henriette et moi pour un tuto de pause de turban à la mode africaine. C’est beau le vendredi le jour de marché et malgré ce monde tourmenté, ce monde fou et cauchemardesque, j’ai réussi à trouver un peu de paix.
Tuto pour la pause des turbans d’Henriette.
On pose le turban, le morceau en tissu sur la tête.
On pince de chaque côté
On fait un 8 en croisant le turban.
Et on passe le cercle ainsi formé au dessus de la tête
Et on arrange tout ça pour être très belle, et voilà …..
Bien peu de gens le savent, mais les petits riens sont rédigés d’abord pour toi … ce matin, je me suis levée, la boule à z, une de mes fantaisies capillaires d’hier, je pense qu’inconsciemment c’est un peu par solidarité avec toi, qui essaye depuis plus de 6 ans à lancer la mode bonze au sein de la Bretagne profonde, tu es le seul médecin, à pouvoir dire à tes patients, mais non voyons, regardez comment on peut être sexy le crane rasé.
(Il me reste du tissu orange si tu veux, et un bol tibétain, du temps de la période bouddhiste de ta mère … Ooom )
J’ai regardé le ciel, il fait beau. Je me demande quel temps pourrave tu dois avoir dans ton lit d’hôpital rennais. Ma dyscalculie refaisant surface, je ne suis pas arrivée à compter les années. La reine mère, a fait un couscous pour ce jour particulier, tu sais ou tu ne te souviens pas que le couscous est une histoire de famille, nous ne sommes ni rapatriés, ni d’origine arabe, mais le couscous c’est sacré, à cause des vacances peut être dans l’hôtel restaurant de notre grand tante qui faisait le couscous le meilleur du monde, d’ailleurs je ne sais pas si tu t’en souviens, c’était pour mes 7 ans, je me souviens du gâteau. C’est en te courant après qu’un jour comme Obelix, je suis tombée dans la marmite, non pas de potion magique , non pas la marga, juste dans la graine … dans ces gigantesques marmites plus grandes que nous.
Pourquoi te dis je tout ça ? Oui parce que je voulais partager le jardin et cette journée avec toi. Les lilas sont toujours en fleurs, et l’arbre de Judée se pare de mauve, j’y placerai mon masque maori, on te prépare un poulailler dans la cabane, comme ça tu auras des oeufs frais chaque jour. Il parait que tu arrives bientôt. Ton bout de chez toi se dessine dans le bleu du Mistral et l’olivier tangue devant. Le cyprès est toujours immense, on a découvert la piscine, il y a du boulot, quelques rainettes ont niché dedans durant l’hiver. Une des dernières lubies de ta mère, un fontaine genre petit Trianon, et puis un bourdon qui m’a fait rire se bourrant la gueule dans le marronnier. Au fait, les fleurs d’acacia sont presque ouvertes, juste à temps pour te faire des beignets.
J’ai servi deux verres de mojito j’en avais envie, il y en a un pour toi.. donc on t’attend tout simplement.
Et sus à la salope, on l’aura, non mais, on ne va pas s’embêter avec les petites mauvaises odeurs.
T’embrasse.
La Frangine, la vieille ….
PS / les kleenex sont à ta droite dans le tiroir de la table de nuit.