C’est quand l’hiver se rapproche de moi, que le soleil se couche, je me souviens, et je rêve de mon autre pays. Juste une petite crise de Saudade …. et tombant par hasard sur un répertoire de mon disque dur.
Journée nationale de l’attelage, le pique nique annuel et j’adore ça … on partage, on rit, on sourit, après la ballade à cheval, et c’est géant … cette journée ça fait 20 ans que j’y vais …. et … que de souvenirs et d’amour. D’entraide.
et on ne parle pas que d’équitation …..
C’est le moment où on se montre nos travaux, la fin du repas.
J’ai commencé ce pull pour moi, hier en 1998, il était à ma taille, pure laine vierge, il ne l’est plus à ma taille, il est toujours en laine vierge …. devant et dos terminés, une mutation outre mer, je ne suis pas partie avec mon tricot …. 8 déménagements après, un mari et deux enfants en plus,
Rosy l’a retrouvé dans les encours
qu’on finira un jour peut être si on a le temps, si on sait où ils sont ….et si on retrouve le modèle, ça tombe bien, je n’avais pas de modèle,
juste du point de blé et des torsades …. et Rosy a tricoté plus rapidement que son ombre, les deux manches
… parfait pour Victoire. Plus qu’à le laver et le repasser et brosser les poils des diverses bestioles familiales. Comme quoi les classiques …..
Je passais en vélo devant son atelier, j’écoutais le bruit des machines, j’adorais sentir l’odeur du bois et de la sciure …
curieuse, silencieuse timide et un peu cachée je le regardais travailler, je devais avoir 8 ou 9 ans, la sciure était belle blanche, les copeaux ressemblaient à autant
de joyaux, les bouts de bois étaient des trésors. Les frisotis que laissait le rabot, des boucles blondes de lutins.
Et le tour, cette machine fabuleuse qui transformait tout en rondeurs.
L’odeur de la menuiserie embaumait la ruelle, l’odeur du bois, de la térébenthine de l’huile de lin, de la cire,
un parfum d’enfance.
Il m’a réparé et construit tant de choses, je vous présente l’atelier de Guy.
A la retraite depuis quelques années, il continue pour son plaisir et le mien, à restaurer, à construire de belles choses lorsque nous en avons besoin.
Il fait quelquefois des miracles, armoire vermoulue ou fauteuil grignoté …. offrant son travail pour le plaisir.
et j’aime le temps qui s’arrête dans son atelier.
Il travaille pour nous, les dames de l’atelier du jeudi, il est membre à part entière de notre petit club, nous fabricant gabarits ou tête de bois pour nos ouvrages,
aujourd’hui il nous a fait l’indispensable …. vous reconnaissez ?
Il est là l’immense métier … pour les quilting days …
Il y a des jours où l’on a envie d’oublier les aiguilles pour se servir d’un ciseau …… à bois.
C’est en l’an de grâce 1963 du siècle dernier que je vînt au monde. 1963 … même pas 20 ans après la deuxième guerre mondiale. Je n’en ai jamais eu conscience, cela me semblait une éternité, et pourtant, lorsque je regarde ma vie, vingt ans en arrière c’était hier.
Je fais donc partie d’une génération, qui a vécu avec la résistance française comme modèle, et la peur au ventre que ça recommence.
J’ai vécu avec les progrès de la technologie, et avec la conquête de l’espace. Je me souviens de Rémi et Colette. J’ai fêté à l’école communale la fin du guerre du Vietnam, j’ai pleuré sur les enfants du Biafra, pendant que ma soeur pleurait dans sa blouse de vichy rose, dans cette maternelle où elle était si mal. Je me souviens de mai 1968 parce que mon père était à la maison et que ce n’était pas des vacances. Je me souviens quand le mercredi était un jeudi.
Je me souviens de mon premier chat, mademoiselle Zouzou, grise comme l’héroïne des marionnettes d’animation de l’Ortf. Je me souviens du western du dimanche soir, je me souviens que le film sur l’unique chaîne de TV était à 20h00. Je me souviens …
Je me souviens des premières ventes par correspondance où les amies de ma grand mère commandaient aux Trois Suisses en une simple lettre, « je voudrai la même chose que ma voisine madame Untel », et recevaient la bonne commande en contre remboursement.
Je me souviens aussi des années collèges, protégée du monde dans un uniforme bleu marine. Je me souviens du premier choc pétrolier, je me souviens des fastueuses soirées où mes parents étaient conviés d’un temps où les entreprises nationales et privés avaient les moyens. Je me souviens de Pif Gadget, bonheur de la semaine et des 100 idées que j’attendais chaque mois avec impatience.
Je me souviens du bicentenaire des Etats Unis avec la France à l’heure américaine.
Je me souviens de soirées télévisées avec Marithie et Gilbert Carpentier ….. ou de Sue Elen et Jr apportant à la populace un rêve de faste et de gloire. Je me souviens de fêtes fantastiques toute la famille réunie pour un oui pour un non devant un gigantesque méchoui dans un terrain qui n’était pas encore Les Léonides. Je me souviens de baptèmes, de mariages, d’anniversaires, et de communions, d’un temps ou nous habitions pas tous éloignés les uns des autres, parce que le bassin d’emploi existait.
Je me souviens de la première crise économique, je me souviens de ce putain de conseiller d’orientation qui chaque fois que nous émettions l’idée d’un métier, se mettait à clamer tel un politicien aguerri et surdoué , « mais vous n’y pensez pas très chère, l’avenir de cette branche professionnelle est totalement bouché. » C’était bouché, tout était bouché … on appelait ça la crise économique, c’était 1979 ou 1981 je ne sais plus. Je me souviens du coup de gueule de Balavoine, et des délires Coluchiens, je me souviens de la création des resto du coeur. Je me souviens de cette peur irraisonnée et pourtant si réelle du SIDA, combien de nos connaissances, de nos amis sont tombés. Je me souviens de la drogue qui circulait dans le lycée et dans toutes les soirées. Je me souviens avoir essuyé je ne sais combien de réforme de l’éducation nationale, qu’au moindre redoublement, la réforme au cul, c’était toute une éducation à reprendre.
Je me souviens de Steve Jobs et de son garage, je me souviens de mes premiers pas en programmation en Cobol et de mon premier Amstrad, je me souviens des factures astronomiques de mes parents pour le Minitel. Je me souviens de la bibliothèque de Toulon, digne de celle d’Harry Potter.
Je me souviens de la fermeture des chantiers navals de la Ciotat et de la Seyne sur mer, je me souviens de grèves sans fin des camionneurs, bloquée dans une ville sans carburant, les rayons de supermarché vidés par des gens dans l’angoisse des restrictions qui inlassablement faisaient provision de café, de sucre et de pâtes.
Je me souviens d’un taux de chômage si élevé et des tonnes de petits boulot à faire.
Puis je me souviens des guerres loin de nous …. La guerre du Golfe, le Rwanda, la Yougoslavie et puis tout ça …. je me souviens de Ttchernobil, des attentats de 95. Je n’ai pas oublié Zlata et la petite Omayra Sánchez. Je n’ai pas oublié le Drakkar, et le 11 septembre, le Tsunami, Fukushima.
L’an 2000 qui nous semblait de la science fiction.
Je me souviens m’être faite traiter « de salope qui couche avec des arabes » parce que j’étais avec mes petits soeurs d’origine algérienne adoptées, de 20 ans mes cadettes. Il y a des choses qu’on ne peut oublier …. Je me souviens de mon copain Rachid, se promenant avec sa carte d’identité française agrafé sur sa veste pour visiter la foire de Marseille.
Je me souviens des harceleurs de rue, de bureau, mesquins chéfaillons jamais punis, jamais inquiétés. Leurs noms forment une grande ribambelle dans ma mémoire. Je me souviens des exploiteurs (minables entrepreneurs) profitant d’un système pour s’engraisser sur le dos de gens sous payés.
et puis il y a la vie qui continue, d’un pays à l’autre, d’un métier à un autre, d’une vie à une autre, les êtres chers qui disparaissent … les enfants qui naissent, tout un amour à construire… et ce tourbillon … qui m’emporte … qui nous emporte, la vie n’est pas un long fleuve tranquille, elle ne le sera jamais.
Aujourd’hui je fais un micro point sur un demi siècle, c’est quoi un demi siècle quand on sait que l’humain est vieux de 7 millions d’années. Le temps continue à s’écouler. Il fait beau, nous sommes le 20 avril 2016, chaque jour qui passe nous rapproche de l’été. Il y avait il vraiment besoin d’écrire tout ça … ? Si peut être …. A mes filles …. faites ce dont vous avez envie et rien d’autre, ça passe trop vite.
Hier je décidais d’un commun accord avec moi même, de dépoussiérer et ranger ma bibliothèque, j’entasse quelquefois sur trois rangées tous les livres qui ont accompagnés ma vie depuis que j’ai un chez moi, les autres étant chez mes parents, et c’est en quelques mois que se crée le joyeux bordel, équilibre périlleux, d’une pagaille artistique.
Profitant du beau temps pour effectuer ce délicat travail où la poussière s’envole au moindre bruissement d’air, j’ai ouvert grand mes fenêtres laissant entrer la lumière et le soleil.
En compagnon de travail, la télévision, avec une série télévisée inconnue pour moi « Bienvenue au Paradis », et voilà comment joignant l’utile à l’agréable, j’ai regardé la première saison d’une histoire qui ne m’est pas inconnue, qui ne l’est pas pour vous non plus, la série est inspirée de « Au bonheur des dames » d’Emile Zola, et oui …. pas celui ci de Au bonheur des dames qui m’inspire beaucoup, c’est de bel et bien celui ci dont je parle.
Mais un bonheur n’arrivant jamais seul, en époussetant les très vieux livres, qui végètent au rdc de mes étagères, j’ai découvert, je l’avais oublié, l’édition originale du bonheur des dames (et non je ne suis pas riche, il vaut une misère, tout juste le prix de son âge) glané certainement sur un marché aux puces et je me suis payée le luxe en m’endormant hier soir, de lire, les papiers jaunis par le temps, 1883, bien plus que centenaires, devenus cassants au fil de l’âge, le texte original, un petit bonheur, ma machine à remonter le temps. Et j’ai plongé dans les descriptions d’ Emile Zola, imaginant chaque tissu, chaque dentelle, chaque tartanelle …
« D’abord, ils furent séduits par un arrangement compliqué : en haut, des parapluies, posés obliquement, semblaient mettre un toit de cabane rustique ; dessous, des bas de soie, pendus à des tringles, montraient des profils arrondis de mollets, les uns semés de bouquets de roses, les autres de toutes nuances, les noirs à jour, les rouges à coins brodés, les chairs dont le grain satiné avait la douceur d’une peau de blonde ; enfin, sur le drap de l’étagère, des gants étaient jetés symétriquement, avec leurs doigts allongés, leur paume étroite de vierge byzantine, cette grâce raidie et comme adolescente des chiffons de femme qui n’ont pas été portés. Mais la dernière vitrine surtout les retint. Une exposition de soies, de satins et de velours, y épanouissait, dans une gamme souple et vibrante, les tons les plus délicats des fleurs : au sommet, les velours, d’un noir profond, d’un blanc de lait caillé ; plus bas, les satins, les roses, les bleus, aux cassures vives, se décolorant en pâleurs d’une tendresse infinie ; plus bas encore, les soies, toute l’écharpe de l’arc-en-ciel, des pièces retroussées en coques, plissées comme autour d’une taille qui se cambre, devenues vivantes sous les doigts savants des commis ; et, entre chaque motif, entre chaque phrase colorée de l’étalage, courait un accompagnement discret, un léger cordon bouillonné de foulard crème.
C’était là, aux deux bouts, que se trouvaient, en piles colossales, les deux soies dont la maison avait la propriété exclusive, le Paris-Bonheur et le Cuir-d’or, des articles exceptionnels, qui allaient révolutionner le commerce des nouveautés.
— Oh ! cette faille à cinq francs soixante ! murmura Denise, étonnée devant le Paris-Bonheur.
Jean commençait à s’ennuyer. Il arrêta un passant.
— La rue de la Michodière, monsieur ?
Quand on la lui eut indiquée, la première à droite, tous trois revinrent sur leurs pas, en tournant autour du magasin. Mais, comme elle entrait dans la rue, Denise fut reprise par une vitrine, où étaient exposées des confections pour dames. Chez Cornaille, à Valognes, elle était spécialement chargée des confections.
Et jamais elle n’avait vu cela, une admiration la clouait sur le trottoir. Au fond, une grande écharpe en dentelle de Bruges, d’un prix considérable, élargissait un voile d’autel, deux ailes déployées, d’une blancheur rousse ; des volants de point d’Alençon se trouvaient jetés en guirlandes ; puis, c’était, à pleines mains, un ruissellement de toutes les dentelles, les malines, les Valenciennes, les applications de Bruxelles, les points de Venise, comme une tombée de neige. À droite et à gauche, des pièces de drap dressaient des colonnes sombres, qui reculaient encore ce lointain de tabernacle. Et les confections étaient là, dans cette chapelle élevée au culte des grâces de la femme : occupant le centre, un article hors ligne, un manteau de velours, avec des garnitures de renard argenté ; d’un côté, une rotonde de soie, doublée de petit-gris ; de l’autre, un paletot de drap, bordé de plumes de coq ; enfin, des sorties de bal, en cachemire blanc, en matelassé blanc, garnies de cygne ou de chenille. Il y en avait pour tous les caprices, depuis les sorties de bal à vingt-neuf francs jusqu’au manteau de velours affiché dix-huit cents francs, La gorge ronde des mannequins gonflait l’étoffe, les hanches fortes exagéraient la finesse de la taille, la tête absente était remplacée par une grande étiquette, piquée avec une épingle dans le molleton rouge du col ; tandis que les glaces, aux deux côtés de la vitrine, par un jeu calculé, les reflétaient et les multipliaient sans fin, peuplaient la rue de ces belles femmes à vendre, et qui portaient des prix en gros chiffres, à la place des têtes. »
Ce sont les vacances, la maisonnée dort encore, j’y retourne …. et vous avez vous envie de relire Zola ?
J’ai hérité d’anciennes cages, du temps ou les canaris étaient un luxe, ils étaient la seule porte vers le rêve, de cette époque où les gens vivaient simplement, vivaient de peu, travaillaient comme des dingues, et leur petite cage et leur canari étaient leur seul moment d’évasion. C’était un peu à la mode dans les années 50-60, d’avoir perruche et canari dont on accrochait la cage à son volet ou à sa fenêtre pour qu’il puisse voir le ciel.
Je les ai regardé précieusement, comme un souvenir que je n’ai pas eu. Je sais qu’elles sont déjà support à d’improbables rêves.
Les souvenirs d’oiseaux dont je me souviens, sont irréels et sublimes, c’étaient les cousines, on les appelaient les cousines, elles étaient les cousines de mon grand père, elles étaient trois de parfaites et adorables vieilles dames, que Miss Marple auraient pu envier. Col blanc, gilet pastel, châle en crochet d’art et bijoux surrannés, souriant sous l’auréole de leur chignons blancs. Elles vivaient dans un ancien immeuble Hausmannien à Marseille, les Chartreux, je vois encore comme figés dans le temps, les meubles, les tapis, les tableaux, les bibelots d’un autre siècle, les châles de cachemire posés sur les tables comme des nappes oubliées, des poupées et leurs robes, que l’on me prétait pour jouer le temps de la pause café. Mais mon bonheur étaient surtout la visite du dernier étage.
Le dernier étage était un rêve éveillé à mes yeux d’enfant. Le dernier étage était une volière sans cage, les oiseaux y vivaient en liberté au milieu des plantes. Des oiseaux paillaient, chantaient, volaient autour de moi apprivoisés, libres, de la perruche au moineau, du canari au bengali, ils étaient là, soignés et quelquefois relâchés, vivant en parfaite harmonie. Je me souviens du carrelage de terre cuite, tomettes provençales rutilantes et des murs blancs, je me souviens du plafond, poutres et pare-feuilles et des oiseaux perchés sur des perchoirs improvisés. Chaque fenêtre grande ouverte équipée de moustiquaires.
Et dans ma mémoire file, des éclairs de couleurs, ceux des oiseaux qui volètent autour de moi. J’étais si petite, je n’avais pas 10 ans.
Je les ai vu chez la mercière et j’ai craqué pour les couleurs douces, hier je n’avais pas envie de faire un petit ouvrage en patchwork, alors, j’ai vite dessiné quelques fleurs sur un bout de tissu, que Gilberte, a bien voulu me donner …
et j’ai testé … et je suis trop heureuse, ça me rappelle, petite fille quand ma grand mère brodait avec les fils qui changeait de couleur, je jouais avec ses échevettes à son grand désespoir …
Je le trouve bien joli ce bleu ombré ….