J’ai pris le chemin des écoliers ce matin, en revenant du café où je vais chercher mes cigarettes (oui je sais, je suis en train de ralentir, et j’ai ressorti ma vieille cigarette électronique), j’ai toujours le souffle coupé, non par les clopes, mais par lui, mon Luberon assoupi, je ne sais pas s’il envisage de sortir de sa torpeur ce matin, il fait déjà chaud.
J’ai pris le chemin de mon enfance que j’ai tant de fois emprunté en vélo pour aller goûter à la source Mirail, je ne suis pas montée jusqu’à la source, c’est interdit, le temps que la sécheresse se termine, mais j’ai flâné sur les berges du ruisseau. Les joncs sont là, disparus du hameau depuis que les gens de la ville ont mis le ruisseau dans de grands tuyaux, peut être un jour, j’essayerai de tresser comme me l’avait appris Pépé Fouques, pour faire de beaux paniers.
Dans mon souvenir, je jouais avec les cavaliers (ou les gendarmes), ces petits insectes qui patinent sur l’eau, les bébés écrevisses et les salamandres jaunes et noires qui prenaient des bains de soleil sur la mousse.
Avec mes cousins nous construisions des barrages, et nous nous baignions, c’était notre piscine à nous, nous étions si petits, nous avions de l’eau jusqu’au cou.
Quelquefois nous y croisions à grands coups de frayeur, la dame blanche de la Bastide du Bois, notre imagination était sans limite. Couchés dans l’herbe, en machonnant un jonc, on regardait les arbres et les nuages dessiner dans le ciel des animaux fantastiques. Les rochers sculptés par les ans, un, je me souviens, un petit plus haut dans la colline, ressemblait aux mégalithes de Palaghju, une tête énorme qui nous regardait, nous aimions goûter à ses côtés, elle a disparu comme tant de choses, ou peut être que je ne sais plus où elle se trouve, ou encore, que nous l’avions imaginé dans nos rêves d’enfants.
Et puis j’ai continué mon chemin, j’ai pris la direction de Fontjoyeuse, je ne me rappelais pas que la Sainte Victoire paraissait si proche, ce matin j’aurais pu la toucher dans la pureté du ciel.
les oliviers et les vignes ne sont toujours pas rêveillés, moi non plus d’ailleurs. Elle est vraiment à côté, là juste à portée de ma main, la Sainte Victoire. Les courgettes fleurissent à tout va, les limaçons, les fameux limaçons que nous ramassions pour que notre grand tante, les prépare en chantonnant « A l’aïgo sau, leï limaçoun ! N’aven dei gros, e dei pichoun » cri d’appel de la vendeuse de limaçons, j’ai encore la saveur du bouillon dans ma bouche, le goût du fenouil et de l’écorce d’orange. Et ce petit sifflement de la coquille quand nous aspirions la pauvre bête cuite.
Et puis en redescendant sur le hameau, dans le champs de Gaby, je ne l’avais pas vu caché dans les hautes herbes, lui qui venait nous chercher enfant quand une de ses bêtes mettaient bas, pour que nous sachions, pour que nous apprenions le miracle de la vie, le sage du pays, le berger, celui qui sait tout et bien plus encore, et qui veille encore sur nous.
Gaby m’a dit, elles sont curieuses ce sont des femmes, et j’ai souri, il a raison.
Je rentre pas les Baysses, Thierry a lui aussi planté des courgettes, je prends un café et je vous raconte tout ça. Belle journée à vous.
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