Le 6ème jour d’après – MamZelle JeSaisTout

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Seuls les gens qui ne m’aiment pas à l’heure actuelle m’appellent de la sorte, seuls ceux qui ne me connaissent pas le font,  ça me fait rire, parce que déjà à la maternelle, la maitresse m’appelait MamZelle JeSaisTout, parce que je savais déjà lire et écrire à 5 ans,  et que je faisais partie de ces enfants un peu particuliers que l’on appelle précoces aujourd’hui, et qui disent noir sur blanc les choses telles qu’elles sont.  Ce n’est hélas pas un don, car il faut du temps et beaucoup de patience pour se hisser à l’entendement de l’autre, qui réfléchit toujours avec un temps de retard et qui n’a que son nombril pour simple horizon.  Puis un jour, j’ai décidé que c’était comme ça et pas autrement, j’ai décidé de ne plus m’embêter avec toutes sortes de personnes qui polluent mon existence de leur mine renfrognée, de leur mécontentement perpétuel et de leurs envies systématiques de ce que les autres ont. Ce n’est pas l’heure d’écouter les jérémiades des uns et des autres, nous sommes dans une galère gigantesque à ramer les uns et les autres plus ou moins fort, plus ou moins facilement, même très très durement pour certains,  mais nous y sommes. La patience n’est pas une de mes premières vertus, mais je reste calme, et à ma grande surprise j’y arrive, j’arrive à évacuer le stress et l’angoisse qui devraient me faire me ratatiner sur mon canapé, et je suis très fière de moi.

J’aime les petits riens, et j’aime me promener seule dans mon jardin, j’aime la solitude et le bonheur qui en résulte, je n’ai aucun besoin de reconnaissance, ma reconnaissance je l’ai eu du temps où je travaillais. J’ai de la chance et je le sais, d’avoir un mari formidable,  des enfants géniaux et mes animaux. J’ai de la chance également de n’avoir besoin de personne pour me réaliser.

Les papillons et les abeilles commencent à  virevolter sur les premières fleurs, le matin, j’aime aller nourrir les poules et m’occuper des chevaux, c’est « une corvée » qui ne me pèse pas,  j’aime aller arroser les nouvelles plantations, en me disant que j’ai planté des arbres pour la postérité car ce n’est pas demain que je me mettrais à l’ombre de leur feuillage, j’aime caresser un des neuf chats qui partagent ma vie, il y en a toujours un quelque part. Le confinement pour l’instant ne me pèse pas, mais je pense très fort à ceux qui sont enfermés dans un appartement, sans possibilité de prendre l’air, sans aucun moyen de s’isoler, ce n’est pas facile, c’est même difficile, et je pense très fort à eux, même si notre imagination est formidable, il faut du talent pour s’évader, tout le monde n’a pas la force de résilience d’Anne Franck.

Comme dirait Enstein « L’imagination est plus importante que le savoir. Le savoir est limité alors que l’imagination englobe le monde entier, stimule le progrès, suscite l’évolution. » Nous allons en avoir besoin pour évoluer.

Grâce à Peggy, j’ai ressorti un vieux livre, le journal retrouvé d’Edith Holden, du bonheur à l’état pur, des petits riens à chaque ligne. Alors j’ai regardé chaque petite et grosse bête du jardin, j’ai ramassé les oeufs de Gersende et Adélaïde qui, c’est nouveau, viennent me chercher dans ma chambre quand elles ont fait leur oeuf, et je me suis enroulée dans un grand châle pour lire Edith Holden, il fait un peu frais en Provence en ce moment.

Je pense à vous, tenez bon, ce n’est facile pour personne, le monde ne sera jamais plus comme avant, certains le réaliseront plus tard, laissons leur le temps de s’y faire et d’évoluer.

Je vous embrasse de loin.

Le 5ème jour d’après – l’oeil de l’âme

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Il  n’y a plus de bruit, juste le bruit de la nature, et quelques tondeuses à gazon au loin. Le blanc s’infiltre doucement, les camélias délicats s’entrouvrent, saviez vous que le camélia était la fleur préférée de Coco Chanel, c’est pour cela qu’il est presque l’emblème de la maison de couture, et que des fleurs de tissus ornent chacune des collections. C’est bien dérisoire tout ça, totalement insignifiant, en cette période obscure où les morts à l’échelle mondiale sont comptabilisés en direct et presque en temps réel,  mais le printemps demeure, et il demeurera bien après nous.  Les cerisiers ont un peu de retard, ils fleuriront bientôt, je m’efforce d’éviter les personnes négatives, les personnes hargneuses, les personnes qui n’ont rien d’autre à faire que de chercher des coupables à cette situation, comme si ça pouvait les aider dans leur confinement, les aider à évacuer cette rage qui les anime depuis toujours. Le combat que mène actuellement le personnel de santé, le personnel des commerces de première nécessité, les militaires, les forces de l’ordre, les pompiers, sur le front de cet ennemi redoutable  est terrifiant, ils n’en ont cure de vos états d’âmes, ils font leur devoir sans poser de questions, ils le font du mieux qu’ils le peuvent avec ce qu’ils ont, ils n’ont pas besoin de faux lanceurs de fausses alertes et je les remercie de toutes mes forces, ils mettent leur vie en danger à chaque seconde. Notre avenir se conjugue au présent, il y aura t’il un après ?

Que cette période d’introspection nous servent à tous à réfléchir sur ce que nous sommes, sur notre honnêteté envers nous même, que ce que l’on reproche aux autres, sommes nous tous blancs nous aussi ?  Que l’oeil de notre âme s’entrouvre pour nous faire apercevoir notre vraie nature, et essayer de corriger nos défauts.  J’ai l’impression de ne servir à rien, et si c’était simplement rester à la maison, ma mission.



Le 4ème jour d’après – Le Sabbat d’Ostara

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Avec tous ces évènements, j’avais oublié que le printemps c’était hier, l’Equinoxe de printemps a eu lieu hier matin, bon ce n’est pas très grave, vu l’importance de la période, les esprits du jardin ne m’en voudront pas.  Donc j’ai allumé les loupiotes dans le jardin pour fêter ça. Seule dans mon monde, les chats commencent à ne plus vouloir rentrer la nuit, et c’est bien le signe que les beaux jours approchent à grand pas, les plantes aussi s’interpellent, ça gargouille, ça travaille, ça s’étoffe timidement, et c’est magique, cette magie que bien souvent plus personne ne regarde, et pourtant elle est bien là à chaque instant de nos vies, dans chaque brin d’herbe, la terre est toute puissante, il y a si longtemps que je le sais, que je le sens, que ça me parait une évidence.  Alors les lumières se sont allumées à la tombée du jour, les unes après les autres, muées par l’énergie solaire, et c’était féérique. Et j’ai brodé des fleurs, parce que toute sorcière gentille se doit d’avoir un médaillon, le médaillon pend déjà au cou de ma mère, et j’aime ça.

Bonne journée à vous, prenez soin de vous, restez chez vous, c’est si important. Je vous embrasse de très loin.




Le 3ème jour d’après – Un peu de soleil

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Les pissenlits, les narcisses, le forsythia fleurissent tous en même temps, c’est un festival lumineux dans le jardin, il y a même une plante de colza je crois, graines rescapées du repas des tourterelles. Les pissenlits sont à l’honneur au grand bonheur des tortues. Saviez vous que le pissenlit combattent la rétention d’eau et ainsi la tension artérielle, je ne suis pas experte en la matière et je ne vous donnerai pas de conseil, mais je sais que ma grand mère prenait des tisanes de pissenlits et de queues de cerises.  Dana, mon boulet, m’a accompagnée durant la prise de photo, en fait on n’est jamais seul quand on vit à la campagne, une bonne nouvelle les coccinelles sont de sortie.

Je me suis contentée d’une tisane de thym. Pour la photo, elle n’est pas infusée, sinon je n’aurais pu vous montrer les superbes motifs de mon service à thé allemand des années 30 (dit elle en cranant :-)), quand c’était encore l’époque de l’insouciance.

En broderie aujourd’hui ce sera un soleil, lumineux comme ma matinée, que je vous offre volontiers si vous en manquez. Je dois sortir, ca me rend anxieuse, nerveuse, laisser passer, village vide, au moins à la maison j’oublie tout ça.  Il va falloir s’adapter, c’est le seul moyen de combattre cette merde. Alors surtout prenez soin de vous, ce n’est pas que pour les autres, de jardin à jardin, on sait ce qui se passe, et ce virus ne fait pas de quartier.  Je vous embrasse de loin, tenez bon. Cet après midi, je vais coudre des masques, car on m’en a demandé. Belle journée à vous, n’oubliez pas de lire et de rêver, c’est important de rêver et de lire aussi, et puis je vous prête volontiers mon monde de jaune et de lumière

Et pour les vertus du Pissenlit c’est ici, en cliquant sur la planche botanique.

Le 2ème jour d’après – Les violettes

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Au fond du jardin il y a des tapis de violettes, elles sont venus seules, elles sortent d’on ne sait où, elles ont choisi de vivre ici, comme nous, alors nous cohabitons. Elles ont tendance à vouloir tout coloniser dès les prémices du printemps,  mais comment leur en vouloir, elles semblent timides, mais l’union fait la force.

Lors de mes précieuses descentes dans les brocantes, j’avais trouvé un service à liqueur avec dessiné sur la porcelaine blanche des violettes, entassé dans un coin de placard, il prenait la poussière, une de mes crises de kitcheries notoires comme tant d’autres, jusqu’à ce matin, ou le sortant du placard, regardant mon champ de violette, je me suis dit, qu’il devait bien exister quelque part une recette pour cette liqueur.  J’ai respiré l’odeur des violettes et tout à coup, je suis devenue Miss Marple conversant avec ses amies lors d’un thé désuet, sirotant après des cookies une délicat breuvage bleu légèrement grisant et acidulé. Je vais fouiller dans les placards, voir si je trouve un vieux reste d’alcool de l’arrière grand père de mes filles qui pour une fois ne servira pas à désinfecter les plaies (sourire), à moins que le supermarché en ait encore, qui sait.

 

La recette

180 g de violette fraîches

75 cl d’eau -de-vie à 40°C

375 g de sucre

15 cl d’eau

 

Amenez l’eau à ébullition avec le sucre et maintenez le feu vif pendant 10-15 minutes jusqu’à ce que le sirop nappe la cuillère.

Enlevez les tiges et les étamines des fleurs de violettes, ne conservez que les pétales.

Faites infuser les pétales dans l’alcool pendant 5-10 minutes puis filtrez et ajoutez le liquide au sirop.

Versez dans des flacons fermés.

 

 

Comme vous pouvez le remarquer sur les photos, j’ai commencé à broder mes violettes pour les garder pour l’hiver, les petits riens sont également une source d’inspiration. Si vous avez envie du dessin, je vous l’offrirai volontiers, on ne va pas commencer à profiter de la situation, quand même, je ne vais rien vous vendre, pendant le « grand confinement »

Et vous ça se passe comment, cette période étrange ? J’ai conscience d’être une privilégiée, alors si vous avec un coup de blues, un petit commentaire et je vous répondrai, je vous souhaite une très belle journée.

Et pendant que je prenais des photos, j’ai eu de la visite. Hâte que le lilas fleurissent.

 

le 1er jour d’après

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Penche toi à l’oreille un peu basse du trèfle

Avertis les chevaux que la terre est sauvée

Dis leur que tout est bon des ciguës et des ronces

Qu’il a suffi de ton amour pour tout changer.

René Yves Cadou – Poésie

 

Hier j’étais un peu triste, mais un peu seulement, de ne pas avoir fêté la Saint Patrick par manque de Guiness, ça vous fait sourire je suppose, mais je n’allais pas affronter la horde dans les supermarchés juste pour deux canettes.  C’est une fête celte à laquelle je ne déroge jamais, mais situation de guerre bactériologique oblige, on s’en passe. Alors ce matin je suis allée dans le jardin, et la terre m’a fait un cadeau pour me consoler, je n’avais jamais vu de trèfles aussi gros de ma vie, je me demande bien ce que les chevaux en pense, je suis allée les avertir,  à l’oreille, j’aime leur parler.  J’ai écrit aux dames de la broderie, si elles ont besoin de moi, je serai présente. Et puis je suis rentrée dans mon atelier j’ai retrouvé mon cahier d’inspiration, et mes croquis et feuilles fanés et puis j’ai brodé un trèfle, à chaque jour suffira sa peine, chaque jour sera le jour d’après, sans imaginer demain. Avec une immense pensée à ceux qui sont dans la peine, ceux qui affrontent cet ennemi invisible chaque jour, dont mon mari. Ca ne fait que commencer.

Surtout restez chez vous, prenez soin de vous.

Dans ma tête trotte les vers de René Yves Cadou.

Mon enfance

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Oui c’est moi, sur cette carte postale de 1969, j’ai 6 ans, j’ai un foulard de vichy rouge sur la tête, et un maillot de bain jupette et je suis avec mon copain Jean, et on pêche les calembos. J’ai été prise en flagrant délit de liberté.  Mes premières années de vie, de 1963 à 1971, je les ai passées dans ce port de pêche à Marseille, toutes les vacances, tous les week-end, c’était là, dans le port des Goudes. Mon père y avait un cabanon qui s’appelait « Les Amis », son bateau, une barquette marseillaise, on disait la barcasse, elle s’appelait « L’Amitié ». J’étais libre et heureuse, je faisais ce que je voulais. J’ai su nager en même temps que j’ai appris à marcher, mon monde se résumait au port, aux pêcheurs qui ramandaient les filets (j’ai toujours une aiguille), aux moules, aux arapêdes, aux gobies, et aux muges, je passais des heures à regarder les poissons dans le port, des heures à me baigner au trou (un petit coin de roches plates, où on pouvait se baigner à l’abri des rochers (j’ai appris que seuls les vrais de vrais, appelaient cet endroit le trou). Le bonheur c’était de partir tôt, à l’aube, avec mon père et son bateau, même si je vomissais avant d’atteindre la passe, l’odeur de gasoil du moteur était terrifiante, on accostait sur l’Ile de Riou ou celle de Tiboulen du Maïre, quelquefois on rejoignait les îles à la nage,  on se baignait, on pêchait, on pique-niquait, on mangeait le poisson que l’on avait pêché, Robinson était mon frère, je passais toutes mes vacances en maillot de bain. Il y avait aussi le « grand » fort de pierre, où j’imaginais des princesses et des pirates, il ne reste que des pierres.

Mes autres bonheurs étaient de me rendre chez les épicières, deux soeurs jumelles qui paraissaient avoir 100 ans, je ramenais des bouteilles de Pschitt ou de Phoenix, et je récupérais l’argent de la consigne pour m’acheter des bonbons.

Les seuls désespoirs, mon seul chagrin, c’était quand je trouais mon salabre, et que ma mère le réparait.

A la nuit tombée, je me souviens des lampions et de flambeaux sur les bateaux, du chant des cornes de brume,  je ne sais plus pour quelle fête, je me souviens, aller voir les thons que les pêcheurs ramenaient, ne pas le voir tellement ils étaient gros, je me souviens des carnavals nautiques, je me souviens de soirées pizza chez Paul, où dans la grande marmite mijotait la sauce tomate, c’était mon enfance tout simplement.

La rue du cabanon, ou plutôt la ruelle qui me semblait immense, s’appelait la rue du Louvre, par l’escalier au bout de la rue, je rejoignais la plage par le sentier, en cueillant les fleurs des doigts de sorcières et de cistes. Maintenant il y a un villa et une grosse barrière, en haut des escaliers.

Je me souviens du cheval et de sa charette qui venaient chercher les tinettes pour ceux qui n’avaient pas de toilettes, le tout à l’égout n’était pas encore arrivé jusque là. Je me souviens de ma première nuit blanche ou presque, un certain 21 juillet de l’année 1969. Je me souviens du marchand de glace, non pas des glaces à manger, les gros blocs de glace pour mettre dans les glacières, la fée électricité est venue bien après dans chaque cabanon.

Vendredi j’ai rencontré des vieux messieurs prenant le soleil, à l’abri du vent au creux de la jetée. Ils ont discuté avec moi, certains ont connu mon père et ses copains, d’autres me disaient que c’était invivable l’été, que ce n’était plus comme avant, que les « estrangers » se permettaient tout et étaient très snob. Je n’en doute pas, mes parents ont vendu cabanon et bateau lorsque les touristes nous ont envahis et ça ne date pas d’hier.

Les Goudes sont devenus très prisés, c’est très chic là bas maintenant, très bourgois bohème, enfin presque, il reste quelques cabanons préservés, celui de monsieur Jouvin par exemple et un jeune homme d’une quarantaine d’années avec qui j’ai taillé la bavette, son bateau était en carénage, on a parlé de mon Marseille, il m’a parlé de sa Corse.

Je suis allée jusqu’au Cap Croisette, la Baie des singes, et j’ai mangé une pizza chez Paul, elles ont toujours le même goût, le goût du bonheur. J’y retournerai encore, en hiver et par temps de Mistral, la mer y est si belle, les mouettes, les goélands et les cormorans y sont si bavards, ça me manque, mais je ne suis pas triste, j’y ai été si heureuse, et surtout si libre.

 

Je suis invitée à nettoyer le port au mois de juin.

 

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